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le nombre de ces députés catholiques qu’il fallait éviter de froisser, et l’occupation de Rome par la dynastie de Savoie allait les rendre singulièrement susceptibles. D’autant plus qu’à ces députés catholiques proprement dits devaient se joindre ceux du Slesvig-Holstein, ceux de la Pologne, ceux des États du Sud, annexés à l’Europe un peu à contre-cœur, pour lesquels le régionalisme, le particularisme, se fondait aisément et se confondait souvent avec le catholicisme.

À mesure que l’issue approchait, M. de Bismarck inventait de nouvelles réserves et ses discours devenaient de moins en moins clairs. On s’était plaint, en Italie, de la tournure « sibylline » des premières réponses de M. Jules Favre ; mais ce qui était vraiment « sibyllin, » c’étaient les réponses de M. de Bismarck et de ses secrétaires. On y faisait étalage « des sympathies de la Prusse pour la personne du saint-père » et du désir où l’on était « que sa sainteté continuât à avoir une position indépendante et respectée[1] ; » sympathies et désir qui, néanmoins, « avaient leurs limites naturelles dans les bons rapports existant entre la Prusse et l’Italie, qui empêcheraient le cabinet de Berlin de créer des difficultés au gouvernement italien et d’entrer en des combinaisons dont il pourrait souffrir[2]. » Comment méconnaître le lien religieux qui unissait « les sujets catholiques de la Confédération du Nord avec leur chef spirituel ? » Et, si ce lien était étroit, comment ne pas « faire des réserves pour une position digne et indépendante du saint-siège[3] ? » Certes, ces réserves obligatoires, il en coûtait de les formuler : « M. de Thile (ministre des affaires étrangères prussien) espérait que nous saurions tenir compte des embarras qui surgissent pour lui aussi des affaires de Rome[4]. » Embarras de plus d’une sorte et notamment grands embarras parlementaires. Le roi de Prusse, comme l’empereur d’Autriche, était assailli d’adresses sur la question romaine. « Ces manifestations ne manquaient pas de causer au cabinet de Berlin des soucis, augmentés encore par le résultat des élections générales pour la diète prussienne. Les catholiques y seront plus fortement représentés que dans la précédente législature. Ils compteront une soixantaine de voix qui, dans la balance des partis, formeront un appoint important et peut-être décisif pour constituer une majorité. Aucun parti n’est mieux discipliné que celui-là. Il obéit évidemment à un mot d’ordre. »

  1. 20 septembre 1870. Scaduto, Guarentigie pontificie, p. 65.
  2. Scaduto, Guarentigie pontificie, p. 65. M. Visconti-Venosta à M. de Launay, 20 septembre 1870.
  3. Id., ibid., M. de Launay à M. Visconti-Venosta, 17 septembre 1870.
  4. ''Id., ibid., M. de Launay à M. Visconti-Venosta, 6 octobre 1870.