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et les hommes de génie, ou font des comparaisons entre la structure cérébrale de l’homme et celle des animaux. Au congrès de Londres, où les médecins anglais qui s’occupent du système nerveux se sont donné rendez-vous en grand nombre, on a surtout étudié les localisations cérébrales ; c’est autour de ce point important que se sont groupées les communications, et aussi les discussions, qui ont été remarquablement nombreuses.

La question à élucider, on le sait, est la suivante. Il existe des fonctions psychiques distinctes par leur nature et par leur siège, comme les sensations des différens sens et les mouvemens des différentes parties du corps ; ces fonctions se trouvent-elles localisées en certains points spéciaux du cerveau, ou bien ne possèdent-elles aucun siège propre ? Supposons qu’un expérimentateur habile arrive à enlever, avec une pointe de scalpel, une petite portion du cerveau, sans porter la moindre atteinte aux autres parties de l’organe, que résultera-t-il de cette mutilation ? Sera-ce une perte localisée de certaines fonctions, par exemple, de la sensation des couleurs ou des mouvemens de la main, ou bien se produira-t-il un effet d’ensemble sur toutes les sensations, sur tous les mouvemens et sur toute l’intelligence ?

Il y a bien longtemps qu’on cherche la solution de ce problème ; les communications qu’on a entendues au congrès de Londres ne hâteront pas cette solution ; elles l’ont plutôt reculée, en montrant, ce qui est toujours utile à savoir, quel nombre vraiment effrayant d’erreurs on peut commettre dans les tentatives de localisation. Les faits les plus intéressans qui ont été mis en lumière par des savans comme Horsley, Ferrier, Schäfer, Hitzig, Waller, Henschen, etc., sont surtout des faits négatifs ; ces savans nous apprennent que les conclusions qui paraissent les plus solidement établies touchant les localisations cérébrales restent presque toujours attaquables. Les vivisecteurs, comme M. Ferrier, objectent à ceux qui portent leurs travaux sur l’étude de l’homme malade, que les phénomènes cérébraux de l’homme sont tellement complexes qu’ils ne peuvent servir de base unique à une interprétation. Les savans qui font de l’anatomie pathologique ne restent pas désarmés contre l’objection ; ils répliquent à leur tour, et avec avantage, que l’homme malade rend compte des effets de ses lésions avec plus d’exactitude que l’animal, puisqu’il parle et peut s’observer ; et cette faculté d’analyse est absolument nécessaire quand il s’agit d’étudier les pertes de sensibilité, phénomène dont la constatation est si difficile chez l’animal.

En dehors de ces critiques de détail, les expériences de vivisection restent sujettes à de graves causes d’erreurs que les savans du congrès ont énumérées avec une entière franchise. Pour