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un laboratoire en Amérique, est un psychologue très ingénieux et très actif, auquel on doit de nombreux travaux de psychométrie. Élargissant le cadre habituel de ses recherches, M. Munsterberg a fait au congrès une communication sur « le fondement psychophysique des sentimens. » Il a ainsi démontré qu’on peut appliquer les méthodes de mesure non-seulement à la sensation, mais encore aux sentimens, c’est-à-dire à ce qu’il y a en nous de plus changeant et de plus fugitif. L’ingéniosité du procédé mérite bien un moment d’attention. M. Munsterberg s’enferme dans son laboratoire ; il exécute avec la main droite un petit mouvement dans le sens centrifuge, c’est-à-dire de gauche à droite ; il cherche à parcourir une longueur de 10 centimètres ; puis, avec la même main, il fait un mouvement centripète, c’est-à-dire de droite à gauche, en essayant de parcourir la même longueur ; il note en même temps son état émotionnel du moment, triste, gai, actif, déprimé, colère ou content, etc. Cette expérience si simple, il la répète pendant des mois, dans les mêmes conditions, et avec le même soin ; et arrivé au terme de ce travail qui paraîtra fastidieux à beaucoup, il analyse les documens réunis, et voit se manifester une loi bien curieuse : dans le chagrin, les mouvemens d’extension sont plus courts que dans la joie ; c’est le contraire pour les mouvemens de flexion ; les différences sont de 1 à 2 centimètres.

Ce dernier genre de recherches appartient à la psychologie du laboratoire, puisqu’elle comporte une mesure ; mais l’instrument de la mesure est bien simple, un décimètre suffit ; aussi les expériences de M. Munsterberg peuvent-elles nous servir de transition pour aborder les recherches de psychologie purement descriptive, qui se passent à peu près de tout appareil.


III

Comme le mot l’indique, on appelle psychologie descriptive toute étude de psychologie qui se contente de noter les phénomènes, sans chercher à les soumettre à la mesure et au nombre. Plusieurs des auteurs qui ont déjà rendu compte du congrès de Londres ont, sans se concerter, employé ce terme ; et je crois qu’on doit le conserver, car il est très juste.

Malgré les apparences, la psychologie descriptive n’est point une psychologie d’à peu près ; le caractère simple et même, si l’on veut, un peu rudimentaire de sa méthode ne lui enlève pas tout intérêt. Il faut, du reste, bien comprendre qu’il n’existe point, in abstracto, une méthode perfectionnée et une méthode rudimentaire ; chaque méthode doit être appropriée à l’objet qu’on