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phénomène en question est produit par des associations mentales d’une force irrésistible. M. Gruber introduit dans cette question un élément nouveau et un peu inattendu ; il étudie depuis de longues années déjà, avec une grande persévérance, un de ses compatriotes qui est, au point de vue de l’audition colorée, un des sujets les plus extraordinaires qu’on puisse imaginer ; ce sujet est comme une synthèse de tous les phénomènes d’association que les auteurs ont décrits jusqu’à ce jour, et il présente ces phénomènes avec un degré d’intensité et de précision qui n’a pas encore été égalé. Les gens qui ont de l’audition colorée n’associent en général que des sensations de son aux idées visuelles, ou bien n’ont d’associations qu’entre deux sens. Le sujet de M. Gruber est si riche en associations de ce genre que chaque impression qu’il éprouve éveille en lui un long écho d’impressions appartenant à presque tous les autres sens. Parmi ces impressions secondaires, M. Gruber a étudié spécialement celles de la vue ; elles ont assez de netteté pour être projetées sur un mur ; par exemple, si l’on prononce devant le sujet le mot doi (qui veut dire deux en roumain), il voit sur le mur qu’il regarde un cercle jaune, un peu plus fortement coloré vers le centre et un peu plus faiblement vers la périphérie.

M. Gruber a eu l’idée hardie de mesurer ces apparitions colorées. Laissons-le indiquer lui-même son procédé : « Nous avons pris pour nos recherches la distance de trois mètres, distance de la vision distincte pour notre sujet ; nous avons construit un cercle que nous avons jugé de la même grandeur que le chromatisme (ou apparition colorée) du nombre doi, et nous avons encadré ce cercle de rouge intense ; c’était donc un cercle blanc sur fond rouge. Le sujet a projeté son chromatisme dans le cercle blanc ; mais ce cercle était trop petit, parce qu’il s’était produit un anneau orangé, résultat de la superposition de la couleur jaune subjective avec la couleur rouge objective. Nous avons agrandi le cercle. En expérimentant cette seconde fois, le sujet a vu un anneau blanc entre le champ rouge objectif et le cercle jaune subjectif. Le cercle était donc trop petit. Nous avons fait ainsi plusieurs essais, jusqu’à ce que nous ayons déterminé exactement la grandeur du chromatisme du nombre doi. Il ne se produisit alors pour le sujet ni anneau blanc ni anneau orangé. Les marges du chromatisme touchaient exactement les marges du cercle objectif blanc encadré de rouge. Nous avions ainsi une méthode exacte et sûre pour déterminer la forme des chromatismes et leurs grandeurs dans les divers sens. Le millimètre pouvait donc être appliqué. »

Cette méthode, qui a un mérite incontestable, la nouveauté, a