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été appliquée avec patience par son inventeur, qui a été conduit à faire des constatations bien surprenantes ; ainsi, il a pu découvrir que les chromatismes des noms de nombre suivent une loi inflexible ; ils ont un diamètre vertical qui dépend du nombre des syllabes du nom ; doi, qui est monosyllabique, a un diamètre vertical de 21 millimètres ; et patru-zeci si patru (quarante-quatre) a un diamètre de 26 millimètres ; le diamètre horizontal des chromatismes croit régulièrement avec la valeur des nombres.

On se demande ce qu’il faut penser de ces mesures, s’il faut les considérer comme exactes ou comme chimériques ; la bonne foi de l’expérimentateur et celle de son sujet, est-il besoin de le dire, sont entièrement hors de cause. Nous ne songeons nullement à soupçonner une simulation volontaire, mais il serait possible d’expliquer ces résultats remarquables par une série de suggestions inconscientes. Pour le moment, l’attitude à prendre est bien simple ; il faut dire aux expérimentateurs qui nous apportent des faits de ce genre : ces faits ne peuvent être acceptés qu’à une condition, c’est qu’on puisse réunir des observations concordantes, prises sur des personnes différentes par des expérimentateurs différens. Du jour où il sera établi qu’il y a vingt, cinquante personnes dont on peut mesurer les impressions subjectives de couleurs, et chez lesquelles ces mesures singulières donnent des résultats analogues, nous accepterons ces résultats. En attendant, nous restons sur la réserve. Le critérium de la vérité pour la psychologie descriptive, — nous l’avons dit et nous le répétons, — c’est la concordance des observations ; en dehors de cette règle, il n’y a qu’illusion et chimère.


IV

Nous arrivons à la dernière étape de notre course rapide dans le domaine de la psychologie moderne. Dans tout ce qui précède, il n’a été question que de l’individu normal. Examinons maintenant les malades.

La psychologie pathologique est, peut-on dire, essentiellement française ; c’est en France qu’elle s’est largement développée, grâce au zèle d’investigateurs dont la plupart ne sont point psychologues de profession, mais médecins. On se méprend parfois sur la portée de cette expression de psychologie physiologique ; on la prend dans un sens trop étroit ; dans quelques bouches elle devient synonyme d’hypnotisme ; on pourrait croire que l’hypnotisme, le somnambulisme et les états analogues expriment tout ce que la psychologie pathologique renferme de nouveau. C’est oublier que les initiateurs français de la psychologie pathologique, MM. Taine et