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(le Pincio) ; le sarcophage en porphyre est surmonté d’un autel fait de pierre de Luna, et entouré d’une balustrade en marbre de Thaos… » La tombe d’un Néron ne pouvait, dans la Rome du moyen âge, ne pas être hantée par des démons ; ils s’étaient nichés principalement dans un noyer planté tout près, et répandaient la terreur dans tout le quartier, jusqu’à ce que le pape Paschalis II eut abattu de sa propre main l’arbre funeste et fait jeter dans le Tibre les cendres maudites du tyran. Les environs du Pincio furent ainsi délivrés, au commencement du XIIe siècle, des mauvais esprits qui les avaient infestés pendant si longtemps, et le peuple reconnaissant éleva sur le lieu une chapelle qui prit le nom de Santa-Maria del Popolo.

Située à l’extrémité de la ville, nullement imposante par son antiquité, ses reliques ou traditions, — car rien de plus ordinaire, au moyen âge, qu’une histoire de démons expulsés, — Santa-Maria del Popolo ne devint célèbre que du jour où les Rovere l’élurent pour leur sanctuaire favori et intime. Sixte IV aimait à y faire ses dévotions, à y célébrer surtout avec pompe les événemens importans de son pontificat ; Jules II, plus tard, a proclamé sous ces voûtes la sainte ligue ; c’est là aussi qu’il a suspendu la Madone de Lorette et son propre portrait, splendides œuvres de Raphaël aujourd’hui disparues. On ne s’explique guère ce choix fait par les deux pontifes liguriens d’une petite église quasi-suburbaine, de préférence à tant d’autres bien plus illustres, de préférence notamment à San-Pietro-in-Vincoli dont ils tenaient leur titre cardinalice, ou aux Santi-Apostoli qui faisait presque partie de leur palais de famille (le palais Colonna d’aujourd’hui). En repassant les divers édifices religieux que les Rovere ont élevés, restaurés ou embellis à Rome avec tant de zèle et de libéralité, on est frappé aussi de ne pas trouver dans le nombre une seule église des frères mineurs : nulle trace de leur munificence ou sollicitude à Araceli, à San-Francesco-a-Ripa, à San-Pietro-in-Montorio. Sixte IV pourtant et Jules II avaient commencé par être franciscains l’un et l’autre ! Ils l’étaient si peu, il est vrai, et le doux saint d’Assise eût difficilement reconnu les siens dans le complice des Pazzi et dans le soldat de Mirandole…

Elle est encore aujourd’hui d’un puissant intérêt pour tout esprit studieux, cette église au pied du Pincio, que le premier des Rovere a rebâtie de fond en comble (1472-1477.) Nul endroit à Rome ne fait mieux connaître l’art du quattrocento finissant : architecture, peinture et sculpture y sont d’une harmonie remarquable (troublée seulement par l’opulente chapelle Chigi et les ingérences malencontreuses de Fontana ou de Bernini) et bien des parties