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phase importante dans l’histoire des monumens funéraires à Rome. Leur influence est visible, entre autres, dans le monument du pape Adrien : VI (SantarMaria dell’ Anima), dans celui du cardinal Michiel (San-Marcello al Corso), du cardinal Armellini (Santa-Maria in Transtevere) ; ce dernier est même figuré comme endormi pendant une lecture : le livre est refermé, emprisonnant un des doigts qui marque la page ! Le plus surprenant toutefois, c’est d’être rappelé à Contucci aussi tard qu’en 1545, et devant le Moïse de Michel-Ange ! En 1545, en effet, lorsque le vieux Buonarroti, pour en finir avec ce ; qu’il appelait « la tragédie du tombeau, » se fut désintéressé de l’œuvre de sa vie, au point d’en abandonner l’achèvement à des mains étrangères, les artistes de second et de troisième ordre qui s’étaient chargés du travail sont allés chercher leur inspiration au chœur de Santa-Maria del Popolo : le pontefice terribile qui, dans le projet originaire, devait être « tenu en suspens » par des anges au-dessus du sépulcre, apparaît maintenant à San-Pietro-in-Vincoli piteusement blotti et ramassé sur lui-même, à l’instar du cardinal Ascanio ! .. Mais vingt ans auparavant[1], le Titan de la renaissance avait déjà brisé tout le moule ancien et inauguré un type nouveau et fatal. Au mausolée des Médicis, les deux capitani ont été placés par lui sur leurs tombes, assis et vivans : ils sont là devant nous dans la vigueur et L’animation de leur existence terrestre ; et cet exemple fera désormais loi. À Santa-Maria sopra Minerva, Léon X et Clément VII sont représentés sur leur trône pontifical, les clés de l’apôtre dans la main gauche, et bénissant de la main droite ; Paul III, Farnèse, aura une attitude semblable à Saint-Pierre, il y sera même dégagé de toute niche, de tout encadrement architectonique. Le vif a saisi le mort, et c’en est fait pour toujours de la conception du moyen âge d’un cercueil avec la figure couchée du défunt : thème sévère et grandiose qui a si longtemps inspire les Pisans, les Cosmates, les admirables sculpteurs toscans du quattrocento et auquel Andréa Sansovino a donné la dernière expression, — déjà bien débordante, emphatique, — dans les tombeaux de Sforza et de Girolamo Basso.

Sur la fin de sa vie et longtemps après avoir créé ses capitani dans la chapelle San-Lorenzo, Michel-Ange s’essaiera encore une fois à un monument funéraire, imaginera un type tout à fait original et unique, et ce monument, il le destinera pour sa propre tombe. Ce sera une Pietà en forme pyramidale à quatre figures :

  1. La statue du duc Giuliano dans la chapelle mortuaire de San-Lorenzo était finie déjà au commencement de 1526, ainsi qu’en témoigne la lettre à Fattucci du 26 avril 1526. (Lettere di Michel Angelo, éd. Milanesi, p. 425.)