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défendre d’une véritable incohérence d’idées ou de direction et de paraître même s’y plaire, quoiqu’il l’ait expiée par des difficultés toujours nouvelles, par des incidens toujours nouveaux. Il a cru que c’était de la politique, — et quand, pour se tirer d’affaire, il ne trouvait rien de mieux que d’invoquer « l’intérêt supérieur de la république, » d’imaginer de noirs complots contre les institutions, de flatter des passions de parti en défiant ou en menaçant les conservateurs, il croyait avoir tout dit ; il n’excitait qu’une incrédulité moqueuse ! — La république n’est pas en péril, on le sait bien, il n’y a pas de complots. Il n’y a que les embarras que le gouvernement s’est créés à lui-même par ses faiblesses, par ses fausses manœuvres ou par ses alliances compromettantes. Qu’en résulte-t-il ! C’est que tout s’en ressent, et que les affaires deviennent ce qu’elles peuvent. Le ministère a pu vivre jusqu’ici en se modifiant, en se mutilant ou en se recomposant ; il n’a pas réussi à se donner de l’autorité, à se mettre en garde contre les surprises qu’il se préparait, et ce qui devait arriver est arrivé. La crise a brusquement éclaté. Elle est née de cette anarchie parlementaire qui ne cesse de s’accroître, qui a fini par se déclarer sous la forme la plus aiguë à l’occasion du budget. Depuis six mois, la chambre a passé son temps à enfouir dans le budget toute sorte de petits impôts et de réformes équivoques, décousues, uniquement dans un intérêt électoral. Le sénat, de son côté, tardivement saisi, a mis, depuis huit jours, son zèle et sa prudence à écarter presque tout ce qui a été voté au palais Bourbon, à ajourner du moins la réforme de l’impôt des boissons, l’impôt sur les valeurs de Bourse. De là, un conflit violent que M. le président du conseil a vainement cherché à atténuer et dans lequel il vient de disparaître au dernier moment. De sorte qu’on en est là : pas de budget pour l’État, un dangereux conflit entre les deux assemblées, et une crise ministérielle de plus. C’est le fruit d’une fausse politique ! M. le président du conseil a si bien manœuvré qu’il s’est trouvé sans crédit et sans autorité le jour où il avait à défendre une cause juste et sensée, la cause de la paix entre les pouvoirs. Le problème est maintenant de retrouver un ministère, un gouvernement à peu près suffisant pour réparer ce qui peut être réparé, pour répondre aux vœux du pays.

Quand nous disons qu’au milieu de ces agitations stériles les affaires deviennent ce qu’elles peuvent, c’est surtout vrai pour des intérêts sérieux, quoique lointains, comme cette question du Dahomey, sur laquelle la chambre, l’autre jour, a tenu à avoir des explications, sans dire elle-même, il est vrai, ce qu’elle en pense. C’est la politique coloniale qui revient comme elle reparaît de temps à autre. Cette affaire du Dahomey n’en est qu’un épisode ; elle n’est qu’un des incidens de ce vaste travail d’extension ou d’exploration qui s’accomplit dans les régions africaines. Elle résume une question qui a assurément son importance, celle de l’établissement de la France