Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 116.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moi-même ; et elle, s’en emparant comme d’une trouvaille, en fait cadeau, et à qui il convient le moins ! Bien le bonjour à une amie de cette espèce ! Qu’elle en cherche de ses yeux une autre à notre place ; qu’elle ait désormais pour amie Nossis. Celle-là, —…Adrastée me pardonne ! — quand j’en posséderais mille, elle n’en aurait plus de moi un seul, fût-il pourri.

Métro. — Que la colère ne te monte pas tout de suite au nez, Coritto, pour un méfait que tu apprends ; une bonne femme doit savoir tout supporter. C’est moi qui suis cause de tout cela par mon bavardage ; il faudra me couper la langue. Mais pour en revenir au sujet qui me tient au cœur, dont je t’ai parlé avec tant d’insistance, quel est l’artiste qui l’a fait ? Si tu m’aimes, dis-le-moi… Pourquoi me regardes-tu en riant ? Est-ce aujourd’hui la première fois que tu vois Métro, ou bien que signifient ces mines ? Je t’en supplie, Coritto, dis-moi qui.

Coritto. — Allons, qu’as-tu à me supplier ? C’est Cerdon.

Métro. — Quel Cerdon, dis-moi ? Car il y a deux Cerdon : l’un avec des yeux bleus, le voisin de Myrtaliné, la fille de Kylaethis ; mais il ne saurait même pas coudre un archet pour une lyre. L’autre habite près de la maison commune d’Hermodore, à la sortie de la place. C’était autrefois, oui, c’était quelqu’un ; mais maintenant il est vieux. Il était l’amant de Pymaethis ; elle est morte : que les siens gardent son souvenir !

Coritto. — Ce n’est aucun des deux dont tu parles, Métro ; mais celui-là vient de Chios ou d’Érythrées, je ne sais ; il est chauve et petit : tu affirmeras que c’est Praxinus ; tu ne saurais mieux comparer une figue à une figue ; excepté quand il parlera ; tu reconnaîtras alors que c’est Cerdon, et non Praxinus. Il travaille chez lui et vend en cachette, car aujourd’hui toutes les portes redoutent les collecteurs des droits. Mais ses ouvrages égalent ceux d’Athéné : tu croiras reconnaître la main d’Athéné et non celle de Cerdon. Pour moi, — il en avait deux en venant chez moi, Métro, — quand je les ai vus, les yeux me sont presque sortis de la tête à force de regarder…

Métro. — Comment as-tu laissé échapper le second ?

Coritto. — Que n’ai-je pas fait, Métro ? À quel moyen de persuasion n’ai-je pas recouru ? J’embrassais Cerdon, je grattais sa tête chauve, je lui versais du bon vin, je le caressais doucement ; un peu plus, je me serais livrée à lui.

Métro. — Il fallait le faire, s’il te l’avait demandé.

Coritto. — Il fallait, paraît-il, que le moment ne s’y prêtât pas.


En effet, est survenue une interruptrice. Des mots ambigus, obscurs pour nous, montrent que c’est une esclave de mœurs infâmes. Il est encore question d’une femme utile, qui a renseigné