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Quelques-uns de ces tarifs sont, il est vrai, applicables sur toute l’étendue du réseau, et doivent par suite être plutôt considérés comme des tarifs généraux ; mais le plus grand nombre ne rentrent pas dans ce cas : ils sont constitués par des barèmes kilométriques limités à une région déterminée, ou même par des prix fermes, et font ainsi échec au principe d’égalité, que M. Ulrich, dans son ouvrage bien connu sur les tarifs de chemins de fer, a appelé le principe d’économie publique ; les uns et les autres font disparaître les avantages de simplicité du système. Aussi, ces tarifs ont-ils été vivement attaqués dès le début par les théoriciens, qui ont considéré comme le premier devoir de l’État de les faire disparaître.

C’était là un gros embarras pour l’Administration. Dans une brochure intitulée : Die Reform der Eisenbahngüter tarife, M. Braesike en a fort bien indiqué le motif : « Actuellement, dit-il, presque la moitié des marchandises sont transportées suivant des tarifs exceptionnels ; cependant, dans toutes les sphères du commerce et de l’industrie, on se plaint de l’élévation des tarifs normaux, surtout aux grandes distances, et on demande des abaissemens sous forme de nouveaux tarifs d’exception. L’administration, qui ne peut se dissimuler le bien fondé de ces plaintes, se trouve dans l’alternative pénible pour elle et désavantageuse pour le public, soit de repousser les demandes de ce genre parce qu’elles sont contraires au système de tarification actuel, soit de consentir chaque année de nouveaux tarifs exceptionnels et par cela même de mettre en évidence l’insuffisance des tarifs normaux et de tout le système qui est échafaudé sur eux. »

On ne saurait mieux faire ressortir l’inanité des tarifications à formules et la nécessité d’une tarification commerciale. L’industriel allemand tient aux tarifs exceptionnels parce qu’il sent très bien que c’est pour lui le seul moyen pratique d’obtenir les réductions de prix dont il a besoin. De son côté, l’administration de chemin de fer voit dans ces tarifs le moyen de donner satisfaction aux demandes qui présentent un réel intérêt, sans porter préjudice à ses recettes. Ici, c’est une industrie qui s’installe ou qui se développe : un tarif approprié lui permettrait de se créer des débouchés, de placer avantageusement ses produits, de doubler sa production ; c’est en même temps un bénéfice assuré pour le chemin de fer, qui peut calculer par avance à un centime près le profit que lui laisse l’augmentation du trafic comparé à l’abaissement de la taxe. Là, c’est une industrie ou un commerce en décadence passagère sous l’influence d’une crise, d’une concurrence ou de tout autre événement : une réduction des tarifs de transport, ne serait-elle que momentanée, lui permettrait de continuer la lutte et de se