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du sol de ses voisins, et, de plus en plus, convoitait cette proie. Or, un de ses capitaines, nommé Villadiégo, avait appris la langue aztèque au point de la parler couramment. Cortès, avant d’avoir recours aux armes, résolut d’envoyer cet officier reconnaître, étudier le fort et le faible du pays dont il voulait s’emparer. Il pourvut Villadiégo d’une escorte de douze nobles Aztèques, le munit de nombreux présens, surtout de ces miroirs et de ces grelots auxquels les Indiens ne savaient pas résister, en échange desquels ils livraient de l’or à pleines mains. Bien équipé, bien instruit des intentions secrètes de son chef, protégé en outre par le titre très respecté d’ambassadeur, Villadiégo se mit en route et arriva sans incident jusqu’à Taximaloyan, ville frontière du Michuacan. Seulement, le but de son expédition à demi atteint, l’Espagnol et son escorte disparurent brusquement, mystérieusement, sans qu’aucune enquête ait jamais pu révéler leur sort.

Interrogés, les habitans de la frontière gardèrent toujours sur ce sujet, surtout en face des Espagnols, un silence probablement ordonné, ou dicté par la prudence. Cette disparition inexpliquée fit alors grand bruit, et préoccupa assez longtemps les esprits pour donner naissance à une locution familière de la langue castillane : Tomar las de Villadiégo, c’est-à-dire prendre le chemin du brave capitaine, signifie encore aujourd’hui disparaître sans motif, sans raison, sans laisser de traces.

On ne sut donc jamais, au moins à Mexico, ce qu’étaient devenus non-seulement Villadiégo, mais aucun de ses douze nobles compagnons. Toutefois, à Taximaloyan, on se racontait entre indigènes que, vers le mois de février 1522, à l’époque de la grande fête qui ordonnait le renouvellement de tous les ustensiles de ménage, un Espagnol était apparu sur la grande place du palais, monté sur un cheval blanc, détail exact. On disait que le gouverneur, en vertu d’ordres reçus de la cour, lui avait refusé l’autorisation de pénétrer dans le royaume. L’étranger avait séjourné pendant trois jours dans la ville, longuement parlementé ; puis, de guerre lasse, il avait repris, avec les ambassadeurs de Moteuczoma II, dont il se disait le chef, la route de Mexico. Que lui était-il arrivé une fois rentré sur le territoire mexicain ? On l’ignorait ou l’on feignait de l’ignorer. Le fait certain, c’est que Cortès attendit en vain le retour de son mandataire, et mourut sans savoir ce qu’il était devenu. À Taximaloyan, on disait aussi, mais cette fois tout bas, que le commandant de la ville, ne sachant comment agir pour ne pas déplaire au roi, s’était secrètement emparé des ambassadeurs et que, les faisant voyager de nuit par des chemins détournés, il les lui avait envoyés. De cette façon, Tzimtzicha restait maître de les accueillir ou de les faire disparaître, sans que les Espagnols pussent