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fragile que possible le lien qui les rattache à la domination germanique, le peuple, des rameaux verts à la main, s’écriait joyeusement : la paix engendrera la paix si le roi règne avec César. Presque autant que lui, le clergé souhaitait la réunion des titres d’empereur et roi dans la même personne, car il savait par expérience quels dangers couraient ses biens au milieu des troubles, et, d’un bout à l’autre de la Gaule, on récitait alors cette prière, naïf témoignage de craintes si justifiées : « Nous venons à toi, Seigneur Jésus ; prosternés devant toi, nous poussons des cris, parce que les injustes et les superbes, confians dans leurs forces, s’élèvent de toutes parts contre nous. »

II. — LE MOYEN AGE, LES CROISADES, UN PARLEMENT DE DAMES AU XIIIe SIÈCLE.

Rien ne semblait changé, et l’horreur de l’an 1000, les fléaux de la nature et les fléaux des hommes coalisés vont lourdement, longuement encore peser sur le comté de Bourgogne et les pays voisins : évêchés, monastères tombés sous le joug des laïques ou de leurs concubines, détruits par l’ennemi, famine, servage, désordres dans l’église, prélats mariés et soutenant la validité de leurs mariages, conflits interminables entre les archevêques de Besançon, les comtes de la province et les empereurs d’Allemagne. Mais voici qu’un souffle d’espoir traverse le monde, la vie rentre dans le corps social ; la lumière, la paix alternent avec le désespoir et le chaos ; les croisades, la chevalerie vont faire une âme nouvelle à l’Europe chrétienne ; des grands hommes, l’archevêque Hugues Ier, Guillaume le Grand, ses successeurs, prennent la direction des événemens qui flottaient auparavant dans une sorte d’anarchie. La pierre, remplaçant insensiblement le bois, imprime aux monumens un caractère plus noble en les rapprochant de l’éternité ; la foi religieuse, toujours plus ardente, reconstruit les monastères ruinés. Simon, comte de Crépy-en-Valois, se fait moine, et, la hache du défricheur sur l’épaule, fonde le prieuré de Mouthe ; Raynaud III favorise la propagation des abbayes de l’ordre de Cîteaux et dix de celles-ci dans la Comté : Bellevaux Balerne, Acey, Theuley, Rosières, Bithaine, Clairefontaine, la Charité, la Grâce-Dieu, Buillon (1126-1139). Aux conciles de Verdun et d’Anse, les évêques et parmi eux l’archevêque de Besançon proclament la trêve de Dieu, un nouveau droit de la guerre et de la paix, avec des prescriptions minutieuses qui révèlent les habitudes de l’époque : sous peine d’excommunication, le cavalier qui porte des armes séculières jurera de ne pas attaquer ni tuer, de ne couper ni gâter les vignes d’autrui, de ne pas violer l’église, de ne pas faire butin du bœuf, du porc, du mouton, de l’âne… ni de leur charge, non plus que de l’oie, du coq et de la poule, excepté