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d’École générale en toute science et faculté licite[1]. Les étrangers y étaient conviés en ces termes : « Nous accordons aux clercs qui viendront des pays situés hors de notre comté, de jouir des immunités, d’être exempts de tailles, d’exactions, de gardes, de milice, de chevauchée… » Et dans le préambule : « De même que tous les végétaux tirent la sève de leurs racines, de même que les rivières reçoivent leurs eaux de leurs sources, de même l’intelligence se fortifie et se perfectionne par l’exercice des lectures ou des cours publics. » Philippe le Bel, de son côté, créa une chambre des comptes à Dole, et partagea le comté en deux bailliages, celui d’Amont et celui d’Aval. On sait quel odieux traitement il fit subir à Jacques de Molay, simple gentilhomme de notre province, grand maître des Templiers.

Après la mort de Philippe V dit le Long, Jeanne, sa veuve, se contenta de gouverner la Comté, et s’en acquitta avec tant de sagesse qu’elle mérite d’être rangée parmi les femmes célèbres et les bienfaitrices de notre province, à côté de Clotilde de Bourgogne, Béatrix de Dole, sainte Odile, sainte Colette « la petite ancelle du Seigneur, » et sœur Marthe. Sa mère, la comtesse Mahaut d’Artois, princesse fort grand aumônière, apparaît comme une consolatrice des affligés. À Salins, par exemple, elle voulut que chaque année cent cinquante aunes de drap fussent distribuées aux pauvres et payées sur les revenus qu’elle percevait des salines. À Ornans, où elle séjournait souvent, elle fit une fondation destinée à acheter tous les ans étoiles, bas, chaussures et chapeaux. À l’entrée de l’hiver, elle distribuait trois cents robes de bure à des pauvres femmes du Comté, et vingt robes de bloy à autant de gentilles femmes ; ses bonnes œuvres furent acquittées pendant près de trois cents ans. Jeanne, sa fille, confirma les franchises des villes et bourgades en déclarant que la liberté accordée aux sujets les attache de plus en plus à leurs maîtres, augmente le bien-être des uns et des autres. À Gray, elle envoie des drapiers, des tisserands de Paris, leur avance de l’argent et accorde de grands privilèges ; cette ville ayant été brûlée en 1324, elle la relève, la dote d’un gouvernement municipal, d’une charte perpétuelle d’affranchissement, y attire une foule d’étrangers ; elle protège les lettrés comtois, Pierre de La Palu, Hugues de Besançon, Guy Baudet de Poligny, Simon de Gonsans, etc., qui, grâce à elle, parviennent aux plus hautes dignités de l’église, du gouvernement. « Si cette bonne reine, écrit Gollut, n’avait laissé autre mémoire de soi, sinon

  1. Académie de Besançon, Fleury-Bergier : Philippe le Bel et Othon IV, comte palatin de Bourgogne. — Suchet, les Femmes célèbres en Franche-Comté.