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d’eau. L’azote qui émigré successivement d’un de ces organismes à l’autre, engagé dans des combinaisons de plus en plus simples, apparaît enfin sous forme d’ammoniaque ; mais ces trois matières, acide carbonique, eau, ammoniaque, qui proviennent des êtres vivans, n’en sont séparées que pour quelques instans, bientôt, elles sont reprises par la plante.

Son rôle dans l’économie générale de l’univers est précisément opposé à celui des microbes ; tandis qu’ils brûlent la matière organique et en forment des matières simples saturées d’oxygène : acide carbonique, eau et acide azotique, car ils brûlent également l’ammoniaque, la plante au contraire, appareil de réduction et de synthèse, reconstitue, à l’aide de ces formes simples, les matières organiques complexes. Par ses feuilles gorgées d’eau, elle saisit l’acide carbonique que le sol déverse constamment dans l’atmosphère, le réduit sous l’influence des radiations solaires, et forme la matière combustible qui, par des synthèses successives, devient sucre, amidon, cellulose, vasculose, huile, ou encore, quand à l’acide carbonique aérien se joint dans la cellule l’ammoniaque du sol, gluten, caséine, albumine, matières propres à l’alimentation animale, qui, oxydées de nouveau dans l’animal lui-même ou après sa mort, recommencent leur éternel voyage d’un être vivant à l’autre. On prétend que Voltaire a résumé les notions vagues que l’on avait de son temps sur la circulation de la matière par la phrase célèbre : « Nous mangeons nos aïeux. »

Il y a quarante ans, tous les agronomes professaient que l’ammoniaque est l’aliment azoté habituel des végétaux. Les sels ammoniacaux provenant de la distillation de la houille ou des liquides excrémentitiels sont, en effet, employés comme engrais ; ils ne peuvent être répandus cependant indifféremment sur tous les sols ; très efficaces sur les terres fortes, ils sont moins avantageux sur les terres légères, particulièrement sur les terres calcaires. Ces échecs, la facilité avec laquelle l’ammoniaque, introduite ou formée dans le sol, s’y brûle en se transformant en acide azotique, l’efficacité des azotates, ont déterminé il y a peu d’années un revirement aussi brusque que complet dans les opinions des physiologistes. On crut que l’ammoniaque ne pénétrait pas en nature dans les tissus végétaux et que son azote n’était utilisé qu’après avoir perdu son hydrogène, gagné de l’oxygène et une base et être devenu nitrate de chaux ou de potasse, de façon qu’il fallut entreprendre des expériences précises pour montrer qu’une part revient à l’ammoniaque dans la nutrition végétale.

Pour réussir à démontrer que les nitrates ne sont pas les seuls alimens azotés des plantes, mais que l’ammoniaque elle-même est