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à cette époque la terre est habituellement assez humide, mais la température est trop basse pour que les fermens entrent vigoureusement en jeu, et c’est pour compenser cette insuffisance de la nitrification de l’humus, que nous enfouissons dans le sol des engrais azotés, du fumier dont les sels ammoniacaux se transforment aisément, et surtout du nitrate de soude. C’est parce que la nitrification du printemps est insuffisante, qu’une flotte entière est sans cesse occupée à introduire en Europe le nitrate de soude qu’elle va péniblement chercher sur la côte du Pacifique ; c’est à cause de cette insuffisance que l’Europe importe, ainsi que nous l’avons dit déjà, chaque année 500,000 tonnes valant de 200 à 300 francs la tonne, représentant par conséquent une valeur de 100 à 150 millions, presque entièrement payée par la culture.

Visiblement, les cultivateurs ne consentent à débourser une si forte somme que parce qu’ils ont reconnu que cet engrais était absolument efficace, et qu’ils n’obtenaient de pleines récoltes qu’à la condition d’ajouter aux faibles qualités d’azote nitrique qui se forment dans leur sol, 200, 300 kilos de nitrate de soude.

Ainsi, malgré l’abondance de l’humus que renferment tous nos sols cultivés, bien que la proportion d’azote qu’ils contiennent soit souvent cent fois supérieure aux besoins des récoltes, l’inertie de cet humus est telle, la résistance qu’il oppose aux fermens si énergique, qu’il nous faut faire des dépenses considérables d’azote combiné, qu’il nous faut importer à grands frais du nitrate de soude ; cette importation est nécessaire, parce que nous ne savons pas déterminer dans nos terres, au printemps, une abondante formation de nitrates.

Cette résistance de l’humus est-elle invincible ? N’existe-t-il aucun moyen de surexciter l’action des fermens ? M. Schlœsing, il y a déjà plusieurs années, a remarqué que, si on triture une terre, dans laquelle la nitrification est faible, on l’active ; il en donne une raison excellente ; les fermens ne se déplacent pas dans le sol comme dans un liquide, ils restent fixés dans la très mince couche d’eau qui adhère à chaque molécule de terre. C’est dans ce domaine très restreint qu’ils opèrent, épuisant leur action sur les matières voisines, puis cessant leur travail quand ces matières ont été transformées, pour ne le reprendre que si d’autres substances viennent remplacer celles qui ont disparu sous l’action même des fermens.

J’ai reconnu que lorsque toutes les autres conditions favorables à la nitrification sont réunies, cette trituration du sol donne une prodigieuse énergie au phénomène et qu’il apparaît dans les terres bien remuées des quantités de nitrate formidables, bien supérieures