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on déracine les mauvaises herbes, on permet à la pluie de pénétrer le sol et de l’ameublir assez complètement pour que les labours profonds deviennent possibles ; mais si, entre ce labour de déchaumage d’août et les grands travaux de fin octobre, la terre reste nue, les pluies, habituellement abondantes en septembre, s’infiltrent dans le sol et lui enlèvent les nitrates formés pendant l’été et non utilisés. Presque toujours les eaux de drainage sont très chargées à l’automne, et on en conçoit facilement la raison. Si la pluie a été fréquente pendant l’été, les deux conditions favorables à la nitrification : humidité, élévation de température, se sont réunies, mais comme, en général, la plus grande partie de l’eau tombée pendant l’été a été évaporée, l’écoulement ne se produit qu’au moment où arrivent les abondantes précipitations d’arrière-saison. Si, au contraire, la pluie est rare pendant l’été, la terre reste chaude jusqu’à l’automne, et c’est seulement à ce moment-là que les nitrates se produisent. Ils apparaissent aussitôt que la pluie amène le sol à l’état convenable au travail des fermens, et comme la terre est nue, qu’elle ne porte aucune plante capable d’évaporer l’eau tombée et de s’emparer des nitrates formés, ils sont entraînés et perdus.

Ces pertes, considérables nous le répétons, des nitrates pendant l’automne, sont réduites ou même radicalement supprimées par les cultures dérobées. Au mois d’août 1891, on a semé au champ d’expériences de Grignon, soit une légumineuse : de la vesce, soit une autre plante à développement rapide : de la moutarde ; après quelques jours, les champs étaient verts, et tandis que les drains placés au-dessous des terres nues coulaient à plein tuyau, ceux qui assainissaient les terres ensemencées restaient secs. En 1892, les pluies ont été trop abondantes pour que l’évaporation des cultures dérobées pût rejeter toute l’eau tombée ; mais cependant les eaux recueillies au-dessous des cultures de vesce n’ont pas entraîné au-delà du tiers ou du quart des nitrates perdus par les terres nues[1].

Que deviennent les nitrates qui se forment aussi bien dans les terres couvertes de cultures dérobées que dans les terres nues, mais qu’on ne retrouve pas dans les eaux de drainage des terres emblavées ? Il importe de le savoir. Si ces nitrates restent en nature dans le sol, ils seront entraînés pendant l’hiver, la perte seulement retardée, et le bénéfice des cultures dérobés

  1. Perte d’un hectare de terre restée nue après blé, 54 kil. 6 d’azote nitrique.
    — — ensemencée en vesce,17 kilos —
    — — 13 kilos —