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l’aventure à son surveillant. Cinq minutes après, le fugitif, dûment ligotté, était conduit en lieu sûr.

La supérieure, en apprenant cette capture, s’écria : « Notre pauvre jardinier est un homme mort ! » Elle connaissait bien, la vénérable sœur, le triste monde auquel depuis tant d’années elle consacre son dévoûment admirable, et sa prophétie fut bientôt réalisée : un mois ne s’était pas écoulé, que le cadavre du vieux galérien gisait la gorge coupée, à côté de son tas d’herbe.

Malgré les murs épais d’un cachot et la triple enceinte du quartier cellulaire, l’appel à la vengeance avait été entendu.

Moins implacable, je l’ai dit, est la vraie loi, celle du code ; son bras n’est point toujours levé pour frapper, et devient même parfois protecteur, lorsqu’elle rencontre un repentir sincère. Cela ne l’empêche pas cependant de savoir remplir sans faiblesse son devoir de sévérité.

Il est utile que j’entre, à ce propos, dans quelques détails qui montreront sous son aspect véritable le fameux Eldorado après lequel soupirent, du fond des maisons centrales, tant d’âmes incomprises.

J’aborde donc, en vous promettant d’y stationner le moins longtemps possible, le chapitre de la répression, qui doit avoir et conserver toujours sa large place dans le traitement moral du criminel.

Un tribunal spécial, composé d’officiers, de magistrats et de fonctionnaires, statue sur les crimes et délits commis par les condamnés aux travaux forcés.

Les peines qu’il prononce sont : la mort pour les attentats contre les personnes ; la réclusion cellulaire, pendant une durée de six mois à cinq ans, pour les tentatives d’évasion et les évasions. Autrefois, on attendait, pour dresser l’échafaud, que les bureaux de la rue Royale d’abord, la chancellerie de la place Vendôme ensuite, eussent examiné l’affaire ; enfin que le Président de la République eût statué.

Les formalités étaient longues, comme bien on pense, et il s’écoulait parfois quinze mois, — quinze siècles pour celui qui se demandait chaque soir : « Est-ce pour demain ? » entre le prononcé du jugement et l’admission ou le rejet du recours en grâce. On a simplifié les choses, pensant avec raison que, s’il est malséant de forcer les gens à faire trop longtemps antichambre chez Pluton, il est non moins fâcheux que le châtiment suprême ne suive pas de près le forfait, et perde ainsi beaucoup de sa portée morale.

C’est pourquoi le chef de l’État a récemment délégué au