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hostile. Le projet primitif, en compensation de la réduction à deux ans du service militaire, dans l’infanterie, réduction problématique du reste, puisqu’elle était considérée comme un essai et révocable suivant le bon plaisir du souverain, augmentait les effectifs du pied de paix de 90,000 hommes environ et les dépenses de 70 millions de francs. L’empereur estimait sans doute, en accordant ce service partiel de deux ans, faire une concession importante, puisqu’il y avait toujours été opposé, et qu’un de ses ministres de la guerre, le général Verdy du Vernois, avait naguère perdu son portefeuille pour avoir préconisé cette réforme.

Toutes les fractions du Reichstag s’étaient cependant trouvées réunies au début contre la loi proposée : à droite, les agrariens blâmaient précisément cette réduction du service, dont ils jugeaient la durée nouvelle insuffisante pour l’éducation du fantassin ; à gauche, on refusait le surcroît de charges militaires qui, au dire de M. Richter, le chef des progressistes, devait se résoudre au budget prussien par une augmentation de 60 pour 100 de l’impôt sur le revenu. Lorsque la chambre partit en vacances, au moment de Pâques, les transactions successivement proposées par M. Lieber, au nom du centre, par M. de Bennigsen au nom des nationaux-libéraux, avaient toutes été repoussées. Les partisans de la loi n’avaient cependant pas perdu courage, les négociations continuaient avec le centre ; on, prétendait même, malgré les démentis officiels, que l’empereur aurait profité de son entretien avec le pape pour leur donner plus de consistance. Quoiqu’il en fût, Guillaume II, après avoir traversé la Suisse, au retourne son voyage en Italie, se hâtait dans les premiers jours de mai de rentrer à Berlin, pour y appuyer M. de Caprivi de sa présence et montrer combien le vote lui tenait à cœur.

Bien que le chancelier eût longtemps déclaré qu’il voulait « tout ou rien, » il avait fini par se rallier à l’amendement déposé par un membre du centre, le baron de Huene, qui impliquait une économie de 11 millions de francs, et une diminution de 27,000 hommes sur le projet du gouvernement. Par cet amendement, l’armée allemande eût été portée de 445,000 hommes à environ 500,000 hommes (officiers compris). La droite et les nationaux-libéraux acceptaient le compromis de Huene ; les progressistes, après en avoir délibéré, émus par les dangers que de nouvelles élections pourraient faire courir au libéralisme, s’étaient scindés en deux fractions ; une vingtaine d’entre eux étaient allés grossir le parti ministériel. En revanche, on annonçait l’arrivée d’une quinzaine de débutés protestataires d’Alsace-Lorraine, qui s’abstiennent en général de paraître au Reichstag, et que leurs voisins les Badois avaient décidés, disait-on, à y venir pour la circonstance. De fait, huit d’entre eux seulement ont voté contre le projet impérial, c’est là un point à retenir.