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d’exceller en un si bel art, sans être du métier. » À une autre visite, — C’était à Baghslot, la campagne qu’habitait Noël de Caron pendant l’été, — le roi, moins pressé, prit de nouveau grand plaisir à l’entendre, tout en jouant aux cartes « avec son grand mignon, le lord marquis de Buckingham, » et il complimenta ensuite le jeune exécutant, le laissant a assez esjoui de ses petites affaires[1]. »

En 1622, Constantin avait aussi connu en Angleterre le luthiste du roi, Gaultier (Wouterus ou Gouterus) et il devait conserver toujours avec lui des rapports excellens. Il lui envoyait ses compositions et lui donnait même commission en 1647 de lui procurer un bon luth, proposition à laquelle l’artiste répondit en offrant de lui céder le sien propre qu’il avait reçu en cadeau du roi. Huygens recherchait avec ardeur, et par toute l’Europe, les instrumens des meilleurs facteurs. Il chargeait les amateurs en qui il avait confiance d’en acheter pour lui toutes les fois que l’occasion s’en présenterait. C’étaient tantôt des cordes qu’il faisait venir d’Italie ; tantôt une guitare qu’il priait qu’on lui rapportât d’Espagne, ou bien un des derniers clavecins à deux claviers qu’eût fabriqués Jean Couchet, de la famille des célèbres Ruckers. Aussi, peu à peu, avait-il amassé une collection très nombreuse qu’il disposa dans une des ailes de son habitation, avec sa bibliothèque musicale, dont le catalogue contient quelques raretés.

Sans qu’il nous donne de détails à cet égard, il est permis de croire que les satisfactions musicales qu’il trouva en Italie ne furent pas moindres. En revanche, celles que lui offrait son pays étaient alors assez restreintes. Après avoir tenu son rang parmi les premières, l’école musicale des Pays-Bas était bien déchue de son ancienne splendeur. La Réforme, qui en Angleterre et en Allemagne avait contribué à répandre le goût de la musique, devait en Hollande paralyser son développement. Sous les prescriptions d’un calvinisme austère, non-seulement le corps des maîtrises d’église, dépositaire des grandes traditions, avait été aboli, mais il avait même été question d’interdire l’emploi de l’orgue dans les temples. Heureusement, à côté des ministres qui proscrivaient cet instrument comme un reste de papisme et l’auraient volontiers banni du service religieux, les magistrats, moins rigoristes, en permettaient l’usage à certains jours de la semaine, pour la récréation de leurs concitoyens[2]. Peu à peu, sous la pression de l’opinion, ces tendances libérales avaient gagné du terrain. On avait reconnu que les chants religieux, quand ils ne sont pas sou-

  1. Lettre du 1er  septembre 1618.
  2. C. Huygens, Studien, par Th. Jorissen, p. 267.