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de justice ; une chaire à grand dossier, un siège épiscopal ; un dressoir, une crédence pour faire l’essai et se garantir du poison. Le plus mince château montrait ses oubliettes qui n’étaient le plus souvent que d’anciennes fosses d’aisances ; et l’Allemagne fabriquait des instrumens de torture que la province, cette bonne province, achetait invariablement de confiance et les larmes aux yeux.

Nous n’en sommes plus là, Dieu merci. Depuis une vingtaine d’années surtout, l’éducation historique a fait des pas de géant : archivistes, bibliothécaires, conservateurs, écrivains, amateurs de livres, d’objets d’art, d’estampes, de monnaies, d’autographes, érudits et chercheurs de toute sorte, voire même les gens du monde, — tant la recherche du document authentique est entrée dans les mœurs, — chacun s’est mis en campagne. Les anciennes fouilles continuées et complétées, des fouilles nouvelles entreprises et menées jusqu’au bout avec suite et méthode, ont mis à jour des monceaux imprévus de documens. Une critique implacable et singulièrement subtile, mûrie par une longue expérience des textes et la pratique journalière des monumens, a tout contrôlé, analysé, comparé, mis en ordre.

Le travail est en bonne voie, et nous pouvons enfin jeter un premier coup d’œil chez nos aïeux. Déjà nous connaissons à peu près leurs maisons, leur costume, leurs meubles, leur art et leur industrie ; faisons un pas de plus en étudiant les Livres de civilité du XVIe siècle, c’est un bien petit chapitre de la grande histoire ; mais il a son intérêt et nous ménage des surprises.


II.

Les Livres de civilité enseignent comment on doit se tenir à la maison, à table, dans la rue, dans le monde. Réunis à d’autres recueils du même genre, Colloques et Dialogues pédagogiques, ils forment le code complet du savoir-vivre à l’usage du jeune homme et de l’homme fait.

Ils datent réellement de la renaissance. Jusque-là, les règles de la bonne tenue sont encore informes et se réduisent aux contenances de table. On les trouve mêlées aux préceptes de morale et sous la forme d’aphorismes ; elles ne sont pas encore codifiées. À partir du XVIe siècle, la doctrine a pris corps et le Livre de civilité continue sans interruption sous le même titre ou à peu près, pendant le XVIIe et le XVIIIe siècle, pour finir au commencement du XIXe

Au point de vue historique et documentaire, nos petits manuels