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à leur gré une figure palpable et vraisemblable, soit dans un isolement qui met en saillie sa personnalité, soit dans un entourage d’êtres ou d’objets qui l’explique et qui la complète. Le goût croissant du public pour les représentations collectives de personnages contemporains offre, à nos peintres, sous ce rapport, un champ d’expériences et de tentatives singulièrement large. Il était naturel que les admirables tableaux de corporations dus aux Hollandais du XVIIe siècle, les chefs-d’œuvre de Ravesteyn, de Frans Hals, de Van der Helst, de Rembrandt, sans parler de vingt autres, servissent d’abord de modèles pour les ouvrages de ce genre ; aucun des peintres qui entreprendront pareilles besognes ne les pourra jamais oublier ; en effet, c’est en retrouvant leur sincérité devant la réalité infiniment variable, qu’ils ont chance de trouver à leur tour des expressions nouvelles et des accens inattendus. L’intervention résolue du paysage dans ces réunions de portraits groupés en plein air a déjà marqué un progrès dont tous les résultats ne sont pas encore acquis. Le grand tableau de M. Schommer, aux Champs-Elysées, celui de M. Roll, au Champ de Mars, tous deux représentant le président de la république entouré de nombreux personnages, l’un, à Boulogne-sur-Mer (Voyage de M. le Président de la République, 4 Juin 1889) ; l’autre, dans le parc de Versailles (le Centenaire de 1789), indiquent le parti qu’on peut tirer du paysage pour agrandir, animer, poétiser dans une certaine mesure, ces cérémonies officielles dont le compte-rendu exact présente tant de difficultés à un peintre à la fois scrupuleux et ami de son art. Nous parlerons plus tard de l’œuvre de M. Roll. Quant à celle de M. Schommer, on peut regretter qu’il n’y ait pas apporté plus de fermeté et de vivacité dans le rendu des figures, surtout sur les premiers plans, où le groupe des pêcheuses en costumes lui offrait un superbe motif, car la disposition générale de sa toile est assez heureuse et la grande importance qu’y prend la perspective de la ville et du port est bien faite pour donner sa signification véritable à la fête. Sous prétexte d’une Célébration du premier anniversaire de réunion à la Confédération helvétique en 1601, M. Henri Pille a réuni, sur une place publique de Bâle, en un groupe de francs buveurs, quatre ou cinq de ses amis que leur accoutrement archaïque n’empêche point d’être d’une ressemblance criante. Toutefois, ce n’est point par ses qualités de paysagiste que M. Henri Pille a conquis et conserve sa juste réputation. Le soleil dont il s’éclaire n’est qu’un soleil d’atelier froid, égal, un peu gris ; mais, pour la virtuosité de l’exécution, pour l’exactitude amusante des types, pour la vérité brillante des accessoires, cuirasses, brocs et verres, nous n’avons guère de praticiens à lui préférer.

C’est autour de la table que, de temps immémorial, parens ou