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de comédie, il prouva, dans son séjour à Munster, que c’était un jeu pour lui que de bâtir le scénario d’un ballet.

Avant de trouver sa voie, il s’était essayé dans plus d’un genre littéraire. Il avait projeté de traduire en quatrains les distiques des héroïdes d’Ovide. Il n’alla pas jusqu’au bout, il refréna ce qu’il appelait « ses fureurs poétiques. » Le père Garasse venait de faire paraître son fameux livre, son véhément réquisitoire contre le libertinage des gens de lettres. Ogier rompit des lances contre ce terrible jésuite, et il s’en trouva mal. Il s’attira une virulente réplique où Garasse le traitait « de débordé, de dépravé, de Pylade ou d’Achate de Théophile. » Des amis communs s’interposèrent, et cette méchante querelle se termina par une embrassade. Peu après, il écrivit son Apologie pour M. de Balzac, violemment attaqué par le religieux feuillant dom André de Saint Denis. Ce plaidoyer eut tant de succès que Balzac se l’appropria sans façons, s’en déclara l’auteur. Aussi quand on demandait à Ogier s’il ne ferait pas l’épitaphe de ce grand homme, qu’il avait si bien défendu, il répondait : « Je m’en garderai bien, j’aurais peur qu’il ne se l’attribuât encore. »

Il avait reçu les ordres, et tout en demeurant l’un des fidèles de Mlle de Gournay, tout en fréquentant Marolles, La Mothe Le Vayer, L’Étoile, Boisrobert, Ménage, Chapelain, il se fit sermonnaire et panégyriste des saints, et il fut bientôt en réputation. Le cardinal de Richelieu voulut qu’il prêchât devant lui. « La face du lieu, qui n’était pas une église, écrivait Ogier, m’était bien nouvelle. Une haie de mousquets faisait un cadre vide et d’un espace assez grand entre la chaire du prédicateur et celle du cardinal. Celle-ci, posée sur une estrade, était plutôt un trône qu’un siège ordinaire, autour duquel les ducs et pairs et les secrétaires d’État faisaient la presse. » C’était le capitaine des gardes qui l’installait dans sa chaire. « Un bedeau si qualifié m’embarrassait ; mon surplis s’accrocha à l’arme d’un soldat ; l’odeur des mèches et de la poudre me fut un parfum désagréable et inaccoutumé, qui me pénétra le cerveau. »

Richelieu fut si content de lui qu’il lui promit un évêché ; mais il mourut quinze jours après sans avoir eu le temps de lui rien donner. Le 1er juillet 1643, Ogier prononça, « avec l’admiration et l’applaudissement de tout Paris, » l’oraison funèbre du roi Louis XIII, et la reine régente lui fit à son tour des promesses qu’elle ne tint pas davantage. Il était condamné à n’être jamais évêque ; mais il avait la vogue ; beaux esprits et badauds, tout le monde voulait l’entendre. Il est permis de trouver que non-seulement il valait un Coeffeteau, mais qu’il avait plus de goût, plus de discernement, que le soleil et la lune, les Assyriens, les Mèdes et les Perses tenaient moins de place dans ses harangues. Il avait lu, étudié Balzac, il avait appris de cet illustre rhéteur à donner du nombre et quelque dignité à la prose oratoire. Malheureusement