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sénateur Cambray-Digny : « Des hommes viendront qui assureront l’assiette financière et économique… » Un système qui consisterait à attendre des « signes dans le ciel » serait indigne d’un grand pays, et cependant personne, en Italie, ne veut entendre parler de nouveaux impôts, ni proposer de nouvelles réductions dans les dépenses. La loi des pensions n’est qu’un expédient, un emprunt déguisé qui ne résout rien.

Depuis trois semaines, l’Europe entière a les yeux fixés sur l’Allemagne, où la période électorale est en pleine activité. Chacun se demande quel sera le résultat du conflit entre le gouvernement et le Reichstag ; si la nouvelle assemblée votera les crédits militaires et si, dans le cas où elle ne les voterait pas, l’empereur Guillaume croirait pouvoir tenter, comme il l’annonce, une deuxième dissolution. Les personnages officiels de Berlin n’hésitent pas à dire, et en cela ils sont dans leur rôle, qu’on n’aura pas à en venir là, que le service de deux ans est populaire, qu’on ne peut l’établir légalement, parce que la constitution s’y oppose, mais que la promesse de l’empereur vaut une loi ; ils ajoutent qu’une entente ne sera pas aussi difficile à aboutir qu’on le suppose généralement.

Cette opinion n’est peut-être que l’écho du désir intérieur de ceux qui l’expriment ; quelques heures avant le vote du 8 mai, on nourrissait encore, dans l’entourage du chancelier, des illusions analogues. En tout cas, les manifestes dans lesquels les divers partis exposent successivement leurs programmes, avec une tranquille fierté, les montrent décidés à aller jusqu’au bout, sans que personne puisse dire au juste quel sera ce bout. On s’accorde à croire que les progressistes perdront des sièges, mais que les socialistes en gagneront, sinon autant qu’ils le disent, du moins en quantité redoutable. Il n’est pas d’assemblée pour laquelle il soit plus difficile d’établir des pronostics que le Reichstag allemand ; attendu que d’une élection à l’autre, dans les huit scrutins qui ont eu lieu depuis 1871, la répartition des voix entre les différentes opinions a énormément varié. Par exemple, les libéraux-nationaux sont montés de 1 million à 1,700,000 suffrages de 188 à 1887, pour retomber à moins de 1,200,000 en 1891.

Il faut aussi considérer que, parmi les adversaires du comte de Caprivi sur la loi militaire, il en est beaucoup, dans le centre et le parti progressiste, qui souhaitent son maintien au pouvoir ; tandis que, parmi ceux qui l’ont appuyé de leur vote en cette circonstance, il en est également un grand nombre, agrariens et conservateurs du parti de l’Empire, qui verraient sa chute avec grand plaisir. D’autre part, plus de vingt-deux membres actuels du centre, dont quelques-uns des plus marquans, ne se représentent pas ; l’autorité de M. Lieber, comme chef de ce groupe, est contestée. À gauche, la scission des progressistes, loin de prendre fin, n’a fait que s’accentuer. Malgré les efforts