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mariage par l’officialité de Paris ; et elle signalait cet acte comme irrégulier, comme s’étant accompli au mépris des droits du saint-siège. Il était difficile qu’un esprit aussi soupçonneux que celui de Napoléon ne vît pas dans semblable allégation, introduite dans une affaire tout à fait étrangère à d’anciens débats, l’intention préméditée de contester un jour la légitimité de ses enfans, et, par conséquent, leur droit à la couronne.

Quant aux cardinaux qui avaient refusé d’assister au mariage, ils furent arrêtés deux jours après, puis reçurent, avec l’ordre de partir pour différentes villes de l’intérieur, la défense d’y porter les marques extérieures de leur dignité et l’injonction d’être toujours vêtus en noir. Le séquestre fut apposé sur leurs biens et le traitement qu’ils avaient reçu jusqu’alors cessa de leur être alloué. Ce traitement fut remplacé par l’offre d’un secours de 250 francs par mois et payable dans le lieu de leur exil. Deux seulement acceptèrent ces offres ; les autres vécurent du produit des collectes qui se pratiquaient secrètement en leur faveur.

L’absence des cardinaux fut le seul nuage qui assombrit la belle journée qui vit s’accomplir dans toute sa pompe le mariage de Marie-Louise ; elle fut tout entière remplie par les scènes les plus brillantes et les plus variées ; d’abord une sorte de présentation que Napoléon fit de son épouse au peuple et à l’armée, en la conduisant sur le balcon situé au milieu du château des Tuileries ; elle y fut saluée à la fois par les acclamations de la foule immense, qui remplissait le jardin et par celles de la garde impériale qui défila sous ses yeux. Vint ensuite un banquet impérial dans la salle de spectacle accommodée à cet usage, puis un concert donné sur un immense amphithéâtre élevé entre le jardin et le château, puis enfin le feu d’artifice et l’illumination dont la beauté répondit à l’immensité des préparatifs auxquels on travaillait depuis plusieurs semaines et qui embrassaient tous les monumens publics dans tous les quartiers de la ville.

Je ne puis m’empêcher de donner place, au milieu de ces scènes imposantes, à un fait que le hasard rendit assez piquant. Pour les personnes qui avaient assisté à la cérémonie du mariage et qui voulaient ne rien manquer dans le programme de la fête, il était difficile de savoir où et quand elles pourraient prendre leur repas. M. Regnaud, président au conseil d’État de la section de l’intérieur, avait prévu cet inconvénient, et, pour y parer, il avait fait entrer au château un assez bon dîner, qu’il fit dresser dans la salle de sa section et auquel tous les membres qui la composaient furent invités.

Nous étions déjà à table quand vint à passer M. de Metternich,