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La paix avec l’Angleterre pouvait seule détourner ce malheur. Le roi Louis était convaincu, et non sans raison, que le cabinet britannique devait craindre, par-dessus tout, que l’étendue des rivages hollandais ne vint à passer sous la domination immédiate de la France. Il se décida à lui faire savoir que ce danger était imminent, et ne pouvait être conjuré que par une pacification prompte et générale, ou au moins par l’ouverture d’une négociation franche.

On était à la fin de janvier 1810. Le roi Louis se trouvait, contre son gré, retenu dans Paris, fatigué plus que jamais des exigences de Napoléon. Il prit le parti d’envoyer à ses ministres en Hollande l’ordre de faire choix d’un homme sûr, habile, discret, et de le faire partir sur-le-champ pour Londres avec des instructions basées sur les considérations que je viens d’exposer. Leur choix tomba sur M. de Labouchère, associé de la maison Hope, Français de naissance et tout à fait propre à bien remplir une telle mission.

M. de Labouchère se rendit à Londres et s’aboucha avec le marquis de Wellesley, ministre des affaires étrangères ; mais, malgré quelques bonnes dispositions qui lui furent d’abord témoignées, il ne tarda pas à reconnaître que le cabinet anglais n’était nullement disposé à se départir, le premier, des mesures adoptées dans la lutte du blocus continental ; que, de plus, il ne mettait pas une grande différence entre la réunion, formellement prononcée, de la Hollande à l’empire français et la sujétion où elle était tombée, en passant sous le sceptre d’un frère de l’empereur. M. de Labouchère fit promptement connaître ce triste résultat à ceux qui l’avaient envoyé, et ne tarda pas à repasser en Hollande.

À la même époque, M. Fouché faisait une tentative de même nature, mais par un intermédiaire beaucoup moins heureusement choisi. M. Ouvrard, toujours en conflit avec l’empereur, au sujet des répétitions exercées contre lui pour les opérations dans lesquelles il avait entraîné le trésor pendant la campagne d’Austerlitz, venait de quitter la prison de Sainte-Pélagie, où il avait été momentanément détenu, en vertu d’un décret qui le déclarait débiteur de plusieurs millions. Ayant besoin de faire un voyage en Hollande pour régler, disait-il, ses comptes avec la maison Hope, il s’adressa à M. Fouché pour obtenir un passeport. Celui-ci y mit la condition d’une négociation toute pacifique avec l’Angleterre. Du moins, c’est ainsi que M. Ouvrard a raconté le fait dans ses Mémoires. J’ai cependant lieu de croire qu’il avait été produit à M. Fouché par M. de Talleyrand, avec lequel il se trouvait depuis longtemps en rapport pour des spéculations de Bourse. Quoi qu’il en puisse être, M. Ouvrard assure qu’il avait consenti seulement