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heure par heure, et que, contre ces irréconciliables ennemis de son existence, le prolétaire doit employer tous les moyens, quels qu’ils soient ; il est perpétuellement vis-à-vis d’eux dans le cas de légitime défense… »

C’est contre cette institution malfaisante et contre les syndicats qu’elle abrite que le gouvernement est parti en guerre, et il faut espérer qu’il poursuivra sa campagne avec d’autant plus d’énergie que les violences compromettent plus gravement le succès des lois ouvrières, de pitié humaine, de fraternité qui nous font honneur, comme celle qui a été votée cette semaine par la presque unanimité de la chambre des députés sur l’assurance pour les accidens du travail. Il n’est pas tolérable que des particuliers, lors même qu’ils appartiennent à ce « quatrième État » pour lequel on réclame des privilèges, se mettent systématiquement au-dessus d’une loi parce que, disent-ils, « ils la désapprouvent. »

Nous avons la liberté des grèves, des congrès et des syndicats, mais nos syndicats doivent être facultatifs et non despotiques. Et ce despotisme syndical a d’autant moins le droit de s’exercer que les syndicats actuels, tant réguliers qu’irréguliers, ne comptent que 208,000 membres, c’est-à-dire moins de 2 pour 100 de la population ouvrière et industrielle des villes et des gros bourgs. Nos ouvriers-souverains d’aujourd’hui sont des adultes récemment émancipés que guettent des agens d’affaires véreux, désireux de s’approprier, par le vote, leur fortune qui est celle de la France. Il appartient au gouvernement d’empêcher cette exploitation, qui aurait pour résultat de ruiner les travailleurs en appauvrissant le pays. Les mesures répressives des excès de la Bourse du travail, si singulièrement détournée de son but primitif ; ne devront être qu’un premier pas dans la voie de la protection du travail libre, contre les fauteurs de désordre, ses mortels ennemis.

S’il est vrai que ceux qui ont raison huit jours avant les autres passent pendant huit jours pour n’avoir pas le sens commun, M. Gladstone et la majorité actuelle de la chambre des communes ne devront pas s’émouvoir outre mesure des attaques d’une extraordinaire violence dont ils sont l’objet dans la presse et dans les salons unionistes de Grande-Bretagne et d’Irlande. Tandis que la discussion en seconde lecture du home-rule bill se poursuit au sein du parlement, les manifestations hostiles ou favorables se succèdent sans interruption : les membres du Stock-Exchange se sont rendus en masse au meeting du Guildhall, en chantant le Rule britannia et en agitant de petits drapeaux anglais, à quoi les libéraux ont répondu quelques jours plus tard, au nombre de 15,000 environ, par une démonstration à Hyde-Park, accompagnée d’autres drapeaux, d’autres musiques et d’autres discours. Au même temps, lors Salisbury allait à Belfast porter aux unionistes la bonne parole, c’est-à-dire la parole de combat, que son neveu, M. Bal-