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en combinaison avec certains élémens de celui-ci, et le microbe a le pouvoir d’extraire cet oxygène, de le décombiner, et de se l’approprier. Et comme il ne peut le faire qu’en détruisant une combinaison chimique existante, les élémens devenus libres se dégagent, en produisant les phénomènes qui caractérisent la fermentation. C’est ainsi que dans la fermentation alcoolique des substances sucrées (sucre de canne ou de raisin) le microbe enlève au sucre une partie de l’oxygène qui le constitue, et par là le dédouble en acide carbonique qui se dégage, et en alcool. C’est là un exemple entre cent qu’il est inutile de rappeler ici : tous concordent et montrent que partout où il y a fermentation, il y a un microbe qui, ne pouvant trouver l’oxygène dont il a besoin, l’emprunte aux substances qui l’entourent en décomposant celles-ci et les transformant en des composés nouveaux, des composés où les élémens des premières se retrouvent en partie, mais différemment groupés. Il en résulte que les microbes anaérobies, ceux qui semblent le plus craindre le contact de l’air, respirent de l’oxygène comme tous les autres êtres. C’est dire que la vie n’est pas impossible là où l’oxygène libre fait défaut, et c’est dire en même temps que partout où se présente la vie, il existe quelque manière pour l’être vivant de se procurer l’oxygène. L’exception apparente présentée par les microbes anaérobies n’en est donc pas une. Entre les microbes essentiellement anaérobies, et ceux qui sont aérobies, qui ont besoin d’oxygène libre, il y a toutes les formes de passage, et nous ne saurions entrer ici dans les détails nécessaires pour montrer qu’il n’y a que des différences de degré. Il nous suffira de rappeler que les cellules végétales sont aérobies à la fois et anaérobies, puisqu’elles sont aptes à déterminer la fermentation alcoolique par exemple. « Mettons une betterave dans l’acide carbonique, dit M. Duclaux, nous la verrons produire de l’alcool. Mettons de même des cerises, des prunes, des pommes, des fruits sucrés quelconques, des plantes saccharifères entières. Leur sucre se transforme encore partiellement en alcool et en acide carbonique. Dans ces conditions de vie nouvelle la seule différence avec la levure est qu’elles sont moins résistantes à la vie sans air, qu’elles poussent moins loin la fermentation, qu’elles s’arrêtent ou meurent avant d’avoir transformé tout leur sucre. Mais ce sont là des différences du plus au moins. » Elles nous étonneront moins encore, si nous nous rappelons les faits découverts par Paul Bert, et dont il a été parlé plus haut. N’avons-nous pas vu en effet, que les tissus animaux eux-mêmes sont anaérobies ? N’avons-nous pas vu que l’oxygène libre dissous dans le sérum du sang les tue, et que pour utiliser ce gaz, ils veulent l’emprunter à la combinaison formée par l’oxygène avec l’hémoglobine ? L’anaérobiose se