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des plumes, des fibres végétales, des spores de champignons, des grains de pollen, de farine, des poussières du sol et enfin des microbes. Au point de vue qui nous occupe ici, beaucoup de ces fragmens n’ont pour nous qu’un médiocre intérêt, bien qu’il soit curieux de voir que des poussières d’origine volcanique, comme celles que rejetait naguère le Krakatoa, peuvent séjourner durant des années dans l’air, à des hauteurs très considérables, et, grâce aux vents, circuler autour de la terre, en déterminant les phénomènes lumineux si curieux que les physiciens de tous les pays ont remarqués, et que nous avons constatés tous il y a quelques années. Au point de vue de la vie, ce qui nous intéresse, c’est la présence de grains de pollen qui, transportés au loin par le vent, peuvent aller féconder des fleurs de même espèce ; c’est la présence des spores de cryptogames qui favorisent la dispersion de ce groupe ; c’est encore la présence de nombreuses graines adaptées au transport par l’air qui en facilite la dispersion. Graines très légères, munies d’appendices qui leur permettent de flotter longtemps dans l’air et de franchir des espaces immenses, elles vont se semer au loin et élargir le domaine et l’habitat de l’espèce qui les a produites. Les exemples de ce genre abondent, et il serait oiseux de les vouloir rapporter plus longuement. Ce qui nous intéresse encore, c’est la présence de microbes. Beaucoup d’entre eux sont inoffensifs, mais il en est aussi de mortels. Répandus dans l’air par les malades atteints de tuberculose, de variole, de scarlatine, de rougeole, de diphthérie, de toute maladie microbienne, pris au sol où les substances contaminées ont été jetées, par l’air qui les soulève et les transporte, ils se répandent tout à l’entour, de près et au loin, en une traînée de mort. Ils abondent surtout dans les lieux habités. À Montsouris, M. Miquel en a trouvé de 30 à 770 par mètre cube, selon les vents, les saisons, etc. ; 5,500 dans la rue de Rivoli ; de 40 à 80,000 dans les salles d’hôpital, tandis qu’à 7,000 mètres d’élévation et au-dessus de la mer, au loin des côtes, on n’en trouve plus du tout. Ces chiffres suffisent à indiquer combien, dans certains cas, l’air est un agent dangereux et sert de véhicule à la mort.

Nous n’en sommes pas surpris. Nous l’avons vu, il porte la vie et la mort à la fois. Chacun de ses élémens est indispensable à la vie et chacun d’eux est un agent de mort, selon les conditions et les doses. Le plus vivifiant d’entre eux, en apparence, devient un poison redoutable ; le plus inutile, le plus nuisible même, au premier abord, se révèle à l’analyse comme une des bases essentielles de la vie. Et la conclusion, c’est qu’aucun d’eux ne pourrait disparaître ou se présenter autrement, sans qu’aussitôt la terre devînt un globe stérile et nu, privé de toute existence animée.