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cantons, firent échouer la négociation[1]. Tout permettait d’espérer : Maximilien, fils de l’empereur Frédéric, venait d’épouser la fille du Téméraire, la Bourgogne elle-même semblait prête à faire cause commune avec la Comté ; à Besançon, boulevard du pays, centre de la résistance, les États discutent, arrêtent les mesures de guerre, votent les taxes, pourvoient à leur perception ; les gouverneurs de la ville protestent que plutôt que de se rendre, ils mangeront leurs femmes et enfans. Mais Louis XI a juré de conserver sa proie : l’archiduc et sa femme ont, moyennant 150,000 florins, fait signer aux Suisses la reconnaissance de leurs droits légitimes sur notre province avec une paix perpétuelle ; seulement l’argent manque, le roi le sait, il couvre l’enchère, donne 200,000 florins, obtient la cession de leurs prétendus droits sur la Comté, un secours de 6,000 mercenaires. En même temps, l’or semé à profusion amollit les consciences, détermine mainte défection : « les gens qui estoient es places se tournèrent par intelligence, » dit Comines. Puis, au mois de mai 1479, sans attendre l’expiration de la trêve, une puissante armée, commandée par d’Amboise, investit Dole : surprise par trahison, la ville est livrée au pillage, brûlée maison par maison, semée de sel et empalée, comme une terre maudite ; alors et presque sans coup férir, d’Amboise s’empare d’Auxonne, des villes des bailliages d’Aval et de Dole, promène partout la terreur, l’incendie, force Besançon à recevoir une garnison. Louis XI avait déclaré qu’il en ferait une chènevière après y avoir passé la charrue, mais mieux que personne il sait qu’on ne doit conserver que les rancunes utiles, et il s’efforça de gagner cette fière cité, en octroyant aux habitans des privilèges égaux à ceux des bourgeois de Paris. Jean de Chalon, son fidèle lieutenant Claude de Toulongeon, prolongèrent la lutte, et, pour venir à bout de leur résistance, il ne fallut pas moins de trois mois à d’Amboise, marchant à grande compagnie et artillerie. Guillaume de Vaudrey, Chrétien de Digoin, payèrent de leurs têtes l’héroïque défense de Faucogney, de Châtillon-sous-Maiche. Pendant la guerre, et longtemps après, l’armée française démolit, nivela les forteresses : plus de libertés, les États suppliant vainement qu’on les leur rendît, qu’on empêchât le vainqueur de rançonner le vaincu, les villes traitées avec une extrême rigueur ; on peut penser après cela que le double pèlerinage de Louis XI à Saint-Claude, au milieu d’une escorte de 6,000 hommes, n’apaisa

  1. Jean de Müller, Histoire des Suisses. — C. Fleury, Francs-Comtois et Suisses. — Ed. Clerc, Besançon pendant les guerres de Louis XI ; la Conquête des montagnes du Doubs par Louis XI ; l’auteur de ces études a relevé un certain nombre d’erreurs commises par Philippe de Comines et M. de Barante. — Mémoires de Jules Chifflet.