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borna à exécuter un chat pour s’assurer du bon fonctionnement de la machine, peut-être aussi pour que le simulacre inspirât une salutaire terreur de la réalité. Cependant les masses se ralliaient à la révolution ; instinctivement, au fond de leur âme, s’agitait l’obscur pressentiment, la vision consolatrice d’un bien prochain, même d’un bien actuel supérieur, et l’espérance radieuse d’une plus-value morale et matérielle, d’un immense bienfait obtenu au prix de quelques années de misère.

VIII. — GUERRE DE DIX ANS, CONQUÊTE DE LOUIS XIV.

Richelieu voulait abattre la puissance de la maison d’Autriche, mettre à néant ses rêves de monarchie universelle : s’assurer l’alliance de la Suède, de la Hollande, de la Suisse, de la Savoie, des confédérés italiens et de quelques princes allemands, tel fut le moyen ; à cette Espagne, à cette auxiliaire de l’Autriche, qui depuis cent ans fomentait en France tant de troubles, arracher le Roussillon, les Pays-Bas, la Comté, qui compléteraient notre unité territoriale, tel fut son principal objectif. Les prétextes ne manquaient pas : on accusa les Comtois d’avoir violé le pacte de neutralité, une armée de trente mille hommes envahit leur pays (mai 1636). Mais ils s’étaient préparés à la guerre : ils aimaient l’Espagne, qui respectait leurs franchises, ils l’aimaient de tout leur amour pour une monarchie qui les possédait moins qu’elle n’empêchait la France de les posséder, de toute leur haine contre les successeurs de Louis XI et d’Henri IV : les villes étaient fortifiées, les ressources du pays passées en revue, les magasins remplis de fourrages, de grains et de munitions ; l’armée comtoise, forte de huit à dix mille hommes, avait d’excellens chefs, d’Andelot-Chevigny, de Cléran-Voisey, le marquis de Conflans-Watteville ; le colonel Varroy, le baron d’Amans, Claude Prost, dit Lacuzon, guidaient les corps francs ; on attendait un corps d’armée espagnol et impérial, le duc Charles de Lorraine. Le parlement avait organisé la défense avec le plus intelligent patriotisme ; deux de ses membres, Jean Boyvin et Girardot de Beauchemin, se firent remarquer par leur énergie, héros et historiens du drame[1]. Les contemporains de Jean Boyvin le proclament un

  1. Clerc, Jean Boyvin, sa vie, ses écrits, 1856, 1 vol. in-8o. — Notice historique sur le baron d’Arnans. — Mémoires de Jules Chifflet. — Apologie d’Yennes. — Apologie de Laubespin. — (Société d’émulation du Jura), Lacuzon, d’après de nouveaux documens, années 1866, 1875, par Philippe Perraud ; le Siège d’Arbois en 1674, année 1678. — Annales franc-comtoises, 1889, les Suédois dans le val de Morteau. — Léon Ordinaire, Deux Époques militaires. — Académie de Besançon, 1870, 1879, le Siège de Nozeroy en 1639, Guerre de dix ans. — Boyvin, Histoire du siège de Dole. — Girardot