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dans un jardin fleuri, qu’il nous donne le mieux, cette année, sa mesure. Lorsqu’on a surmonté l’impression un peu désagréable que produit d’abord la discordance criarde de ses colorations aigres et dures, on est ravi de trouver, sous cette enveloppe amère, un dessin si ferme et si personnel, une intelligence si vive et si complète du caractère et de l’expression.

Autour de MM. Burne-Jones et Bramley, Frédéric et Courtens, Israëls et Mesdag, Edelfelt et Thaulow, Liebermann, Uhde, Kuehl, Harrison, qui personnifient avec le plus d’éclat les tendances de l’art étranger, nous pourrions encore examiner avec plaisir un certain nombre de leurs compatriotes ; les uns se meuvent dans la même atmosphère de recherches et d’intentions, les autres, habitant la France, ont perdu plus ou moins leur saveur exotique et forment simplement une classe spéciale d’artistes parisiens. Nous trouverions, dans le premier groupe, MM. Dannat, Zorn, Stremel, Olivier, Melchers, Willy Martens, Guthrie, John Lavery, David Davies, Henry Davis, Alexander, Westman, Mmes Nourse et Dora Hitz, dont les ouvrages, parfois excentriques, ont tous un accent très personnel ; nous rangerions, dans le second, MM. Hagborg, Jettel, Wahlberg, Mlles Lee-Robbins et Roederstein, MM. Hugo Salmson, Carl von Stetten, Tofano, que nous pouvons regarder comme des nôtres.


II

Dans cette invasion étrangère, où trouver la note nationale, la note sincèrement française, soit traditionnelle, soit originale ? C’est en faisant cette recherche qu’on se trouve profondément attristé de voir négligées si singulièrement, par nos jeunes contemporains, la science du dessin et la science de la composition. Ces deux sciences ont été cependant l’honneur et la force de notre école pendant trois siècles, et c’est par elles que tous nos grands peintres, les plus légers comme les plus graves, les plus passionnés comme les plus calmes, Watteau comme Poussin, Boucher comme David, Géricault comme Meissonier, ont également développé leur génie fait d’intelligence, de sensibilité et de goût.

On ne saurait dire que les deux toiles les plus importantes de l’Exposition, autant par les noms de leurs auteurs que par leurs dimensions énormes et leur destination officielle, celles de M. Puvis de Chavannes et Roll, soient, sous ces deux rapports, des protestations suffisamment énergiques contre l’indifférence générale. Quel effet pourra faire en place, à l’Hôtel de Ville (c’est un plafond), la longue toile de M. Puvis de Chavannes, l’Hommage de Victor Hugo à la ville de Paris ? C’est ce qu’il est d’autant plus