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de viande dedans, il devint rouge de plaisir et décida que la maison du docteur était tout à fait bien. Il ne comprenait plus comment il avait pu croire le docteur méchant !

Paschka mangea lentement en léchant la cuillère.

Lorsqu’il eut fini la soupe, il jeta un regard de regret sur le bol du vieillard, qui n’était qu’à moitié vidé. Il résolut de manger plus lentement encore la bonne viande, mais malgré ses fermes intentions, celle-ci disparut très vite. Alors il attaqua le morceau de pain et l’acheva, tout en pensant à différentes choses.

Après quelque temps, la servante revint, portant cette fois deux bols dans lesquels se trouvaient du rôti et des pommes de terre.

— Où est donc ton pain ? demanda-t-elle.

Paschka ne sut que répondre, mais il gonfla ses joues et soupira.

— Avec quoi mangeras-tu maintenant le rôti ? demanda-t-elle, Petit goulu, va !

Elle partit et lui apporta un autre morceau de pain. Jamais de sa vie Paschka n’avait vu du rôti, et il le goûta d’abord avec appréhension, mais il le trouva si bon, qu’il lui fut impossible de le manger autrement que très vite. Le rôti disparut comme par enchantement ; il ne restait que le pain. Paschka remarqua que le vieillard rangeait son pain dans le tiroir de sa petite table et il se promit d’agir de même. Mais, réflexion faite, il finit par manger aussi son second morceau de pain.

Après avoir si bien dîné, Paschka éprouva le désir de prendre un peu d’exercice. Il se mit à trottiner par la chambre, puis il entra dans la pièce voisine et vit qu’outre les malades qu’il connaissait déjà, il y avait là quatre hommes. L’un d’eux surtout l’intéressa. C’était un paysan très grand et terriblement maigre, qui, assis dans son lit, ne faisait que se bercer d’un côté et de l’autre. Paschka se planta devant lui et ne put détourner les yeux de ce drôle de personnage qui se balançait ainsi ; mais bientôt sa mine ne le divertit plus, au contraire. Paschka comprit qu’il souffrait beaucoup.

Alors il alla plus loin, dans une troisième salle. Là, deux paysans se tenaient immobiles sur leurs lits ; ils avaient des visages très rouges et qui reluisaient comme graissés ; leurs yeux semblaient tout bouffis. Paschka trouva qu’ils avaient l’air de ne pas avoir de visage du tout.

— Ma petite tante, qu’est-ce qu’ils ont ? demanda-t-il à l’infirmière.

— Ils ont la petite vérole, bambin, répondit-elle.

Paschka retourna dans sa chambre et se mit à attendre le docteur, qui l’emmènerait à la foire, mais, à la place du docteur, un infirmier arriva et alla droit vers le malade au sac de caoutchouc. Il se pencha sur lui et cria :