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Hubbard sur la limitation des frais de candidature, d’en écarter les millionnaires. Il faut, disait M. de Douville-Maillefeu, « chasser les sacs d’écus à deux pieds et sans cœur. » Le vœu de quelques individualités de l’extrême gauche, pour lesquelles l’argent a toujours mauvaise odeur, serait évidemment de rendre l’accès du palais Bourbon aussi difficile aux riches que celui du royaume des cieux. Sans admettre, comme le fougueux député de la Somme, que les gens qui ont plus de 30,000 livres de rente soient nécessairement des monstres d’égoïsme, on ne peut que regretter l’influence et le rôle excessif de l’argent dans les élections d’aujourd’hui, — ce qui pourtant n’empêche pas les candidatures ouvrières d’aboutir, — mais ce vice, qui n’est pas particulier à la France contemporaine, puisque l’Amérique nous offre en ce genre d’assez beaux modèles, a été celui de toutes les démocraties.

C’est, je crois, une banalité de faire remarquer que la prépondérance sociale de l’argent est d’autant plus grande, qu’elle n’est contrebalancée par aucune autre, et l’on sait quels furent les excès de la ploutocratie dans les derniers temps de la république romaine. Nous en sommes bien loin encore, Dieu merci ! Quant à fixer la dépense des candidats à 300 francs par mille électeurs inscrits, pour chaque tour de scrutin, la majorité a eu le bon sens de reconnaître que c’était proprement impossible.

Une autre proposition a été repoussée, non sans de vifs débats, qui avait pour objet le renouvellement partiel de la chambre, par moitié ou par tiers, tous les deux ou trois ans. Ceux qui rêvaient, pour les chambres futures, la mise en pratique du non omnis moriar, déjà en vigueur au sénat, faisaient remarquer que les propositions de loi émanées de l’initiative parlementaire sont frappées de caducité lorsque la chambre des députés atteint le terme de son mandat. Ils insistaient sur l’énorme déchet qui se produit ainsi, à la fin de chaque législature, de projets longuement étudiés, qui tombent dans l’eau. Avec chaque assemblée nouvelle on est obligé de tout recommencer sur nouveaux frais. Ceux qui pensent au contraire qu’une assemblée à la Jeannot, qui se renouvellerait tantôt par la lame et tantôt par le manche, serait en communion moins immédiate et moins intime avec le pays dont elle tient ses pouvoirs, répliquaient, — et ç’a été l’avis du gouvernement exprimé par le président du conseil, — que le sénat suffisait dans nos institutions pour représenter l’esprit de permanence, que la loi nouvelle aurait quelque caractère de méfiance vis-à-vis des électeurs, qui ne pourraient plus avoir tous la parole en même temps et ne manifesteraient désormais leur volonté que par fractions. Les adversaires du projet ajoutaient qu’au point de vue de l’agitation du pays, elle ne serait pas moindre et qu’en outre elle serait plus fréquente.