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nation de nouveaux sacrifices jusqu’à l’expiration du septennat en cours (1er avril 1894), a aussi complètement changé d’avis, c’est qu’en 1893 comme en 1862 les chefs militaires trouvent que la landwehr finit par absorber l’armée active, sous prétexte de la renforcer ; et qu’à multiplier les formations de réserve, sous des noms divers, on risque de retarder et d’alourdir les forces agissantes, celles qui, entrant les premières en campagne, peuvent porter les coups décisifs. C’est pourquoi l’on propose d’élever de 170,000 à 235,000 hommes le chiffre des incorporations annuelles.

On a de longue main persuadé à nos voisins de l’Est qu’ils étaient obligés de faire peur pour n’avoir pas peur eux-mêmes ; or les maîtres de l’empire germanique trouvent que, maintenant, ils ne font plus assez peur. Le peuple allemand, plus clairvoyant que le peuple italien qui se saigne avec joie pour défendre une indépendance que nul n’a jamais songé à attaquer, se rend bien compte qu’aucun État en Europe ne désire la guerre, et qu’il va faire de nouvelles dépenses d’une utilité douteuse. Si l’Allemagne avait, comme la France ou l’Angleterre, un de ces gouvernemens d’opinion qui, semblables aux moulins, ne marchent que dans le sens du courant, nul doute que la loi militaire n’eût été rejetée, parce que beaucoup de ceux qui l’ont votée en mai n’y tenaient guère, tandis que ceux qui ont voté contre la repoussaient de toutes leurs forces.

Mais, dans les conditions où fonctionne le parlementarisme sur les bords de la Sprée, où l’ultime concession des princes est de traiter d’égal à égal avec la nation, où par suite le gouvernement ressemble beaucoup à la diplomatie, il est arrivé que la consolidation du service de deux ans et que l’adoption, pour couvrir les frais du projet, d’impôts moins impopulaires que les taxes sur l’alcool, la bière ou les opérations de Bourse, ont suffi, avec la volonté du souverain, pour déplacer en faveur du chancelier une majorité à laquelle les nouvelles conquêtes du socialisme viennent de donner à réfléchir.

Heureuse l’Espagne que sa position géographique met en dehors de ces menaces permanentes de conflit, et à laquelle ses bonnes relations avec son unique voisin territorial vont permettre de réaliser dans le budget militaire des économies qui remettront sur pied ses finances. Le gouvernement de la régente n’a pas besoin pour être, selon la formule, « respecté des autres pays, » de jeter, dans ce gouffre toujours béant des frais d’armement, une partie notable de ses recettes qui pourront être employées plus utilement à combler des déficits chroniques.

Déjà, malgré l’obstruction étonnante des conservateurs, la chambre a adopté le projet relatif au contingent de l’armée ; il est vraisemblable qu’il en ira de même pour la réforme des capitaineries générales,