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mécanisme arriéré, inutile et très cher. En ce qui concerne le remaniement si désirable des circonscriptions judiciaires, M. Montero-Rios paraît devoir rencontrer plus de difficultés : tous les intérêts privés, attentifs à la perpétuité des abus qui les font vivre, tendent à se coaliser. On essaie d’organiser la grève des avocats pour protester contre la suppression des cours d’audience et la grève des distillateurs pour protester contre l’impôt sur l’alcool.

Il n’y a pas deux mois, les conservateurs canovistes avaient promis leur concours aux projets de loi et initiatives ministérielles qui auraient pour résultat la restauration des finances. Aujourd’hui, M. Canovas s’oppose aux réductions projetées, et déclare qu’il empêchera, par tous les moyens, leur réalisation. Ses amis ont présenté d’innombrables amendemens contre le budget. Le moment semble pourtant mal choisi, pour le chef du précédent cabinet, de s’opposer ainsi à la marche régulière du gouvernement, lorsque l’anarchisme essaie de développer sa propagande explosive à Madrid et à Barcelone, et lorsque M. Canovas lui-même vient récemment d’échapper à un attentat dirigé contre sa demeure.

Que veulent donc les Espagnols ? Voilà plus de quarante ans que l’on crie au gaspillage, — et avec combien de fondement, — que l’on demande des économies, et lorsqu’il se présente enfin un ministère qui veut accomplir des réformes, le pays se soulève. Heureusement pour le cabinet Sagasta, il se produit en Espagne un mouvement contraire à celui que l’on remarque en France. Ainsi qu’on l’a vu aux Cortès, lors de la mémorable séance de cinquante heures consécutives, dans laquelle a été voté l’ajournement des élections municipales, les républicains, au-delà des Pyrénées, viennent à la monarchie, comme les conservateurs de ce côté viennent à la république. MM. Abarzuza et Almagro, les lieutenans de M. Castelar, chefs des possibilistes au sénat et à la chambre, avaient nettement adhéré au régime actuel. Seul, le groupe des vingt et un, conduit par M. Pi y Margall, persiste dans une opposition qui revêt de plus en plus un caractère révolutionnaire. Quant aux réclamations de la Navarre, de la Galice ou de la Catalogne, en faveur du maintien du système contributif, rien n’empêche de leur donner satisfaction sans porter atteinte aux projets de M. Gamazo ; d’autant plus que le régionalisme politique, quoi qu’en aient dit beaucoup de journaux, est bien mort en Espagne et que ces mouvemens sont tout en surface.

Dans ces conditions, en montrant un peu de fermeté vis-à-vis de la chambre, et lors même qu’il ferait quelques concessions sur la façon dont il opérera ses réformes, le cabinet Sagasta pourra conduire à bonne fin l’œuvre qu’il a entreprise du relèvement de la situation financière dans la péninsule. Si, pour réussir, le premier ministre doit