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retiennent les eaux pluviales et permettent d’arroser quelques centaines d’hectares où l’on peut alors obtenir dans l’année une récolte de blé ou d’orge et ensuite une de maïs. En dehors de ces terrains irrigués, le reste de l’hacienda est exposé à la sécheresse comme tout le plateau central. La résidence manoriale avec la chapelle, les fabriques de pulque, la distillerie de mescal, les étables, les greniers, les habitations des gens de service et ouvriers d’arts nécessaires aux réparations, est située au centre du domaine. Des murailles élevées, percées d’une seule porte et de fenêtres grillées de fer, la mettent à l’abri d’un coup de main. Cent cinquante familles de travailleurs agricoles sont attachées d’une manière permanente à l’hacienda pour conduire les troupeaux et cultiver la partie complantée en agaves que le propriétaire fait valoir. C’est le mansus indominicatus, ce sont les servi non casati de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Chaque famille est logée, grâce à la générosité intelligente du propriétaire, dans de jolies maisonnettes de brique précédées d’une courette où elle élève un porc. Les travailleurs sont payés à la journée, à raison de 31 centavos (sous) par jour (les gamins, 18 centavos 1/4), et moyennant l’accomplissement d’une tâche déterminée. Ils ne sont pas nourris. Chaque semaine ils sont payés ; l’intendant retient le prix des provisions qu’ils ont prises dans le magasin, tienda, établi dans la résidence manoriale. La tienda existe dans toutes les haciendas. Son exploitation est une occasion de gain pour les propriétaires : ceux qui sont honnêtes, qui appartiennent à d’anciennes familles, n’en abusent pas. Les travailleurs ne sont pas obligés d’y acheter comme dans le Truck-System anglais ou américain ; mais, en fait, le grand éloignement des centres habités les force à s’y approvisionner. Dans d’autres haciendas, la partie du domaine qui n’est pas exploitée en faire-valoir direct par le propriétaire est partagée en tenures, moyennant des redevances et des corvées déterminées contractuellement ou par la coutume du domaine, qui correspondent tout à fait à celles des servi casati de notre vieux document. Ici elle est cultivée moyennant des redevances fixes en blé par des colons qui habitent trois gros villages situés au milieu de l’hacienda. Ces villages sont entourés de terres, les anciens ejidos, qui appartiennent en pleine propriété aux Indiens. Quelques-uns sont même assez riches ; mais, comme leurs terres ne suffisent pas à les faire vivre, ils sont empressés à louer celles de l’hacienda, et le propriétaire, de son côté, trouve beaucoup plus de profits à faire exploiter de cette manière les champs éloignés du manoir et qui sont consacrés à la culture des céréales.

L’autre hacienda, beaucoup moins grande, est située près de