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flamands et hanséates, qui, au XVIIe et au XVIIIe siècle, assuraient la même prépondérance aux Génois dans le royaume de Naples, les mêmes causes, disons-nous, font qu’au Mexique le commerce est presque exclusivement exercé par des étrangers. Les gens du pays le dédaignent ou s’y montrent peu aptes.

Des sociétés de bienfaisance nationales groupent les commerçans étrangers, et à Mexico ils ont, en outre, des casinos particuliers. Chaque colonie a sa physionomie propre[1].

Les Espagnols tiennent naturellement la tête. D’après une statistique faite par leur gouvernement, on en comptait, au 31 décembre 1887, 9,553 ; mais les femmes et les enfans n’étaient pas compris dans ce chiffre et l’on estime que beaucoup d’Espagnols n’ont pas eu cure de se faire inscrire à leur légation ; les deux groupes les plus nombreux sont à la Vera-Cruz (2,628) et à Mexico (2,139). Ils viennent de la Catalogne, de l’Andalousie, des Asturies, de la Galice, et tendent à se grouper d’après leurs origines provinciales. Leurs commerces principaux sont l’épicerie et le prêt sur gages. Ils y font rapidement fortune et ceux qui ont quelque éducation épousent facilement des héritières. Le prestige du sang espagnol et la communauté de langage leur donnent un avantage considérable sur les autres étrangers. Les mêmes raisons sans doute les aident dans un genre d’entreprises particulièrement lucratives, les contrats avec le gouvernement fédéral, les gouvernemens des États et les municipalités. Parler la même langue est une condition favorable pour bien s’entendre. Par l’un ou l’autre moyen, les immigrans espagnols font de grandes fortunes : ils acquièrent la plupart des haciendas mises en vente, après avoir prêté de l’argent à leurs propriétaires obérés. Un sentiment populaire très vif existe contre eux, et, chaque année, les fêtes de l’indépendance sont l’occasion de manifestations contre leur casino à Mexico. Ce sont bien moins les souvenirs irritans du passé que des griefs économiques présens qui causent cette antipathie, fort analogue au fond à l’antisémitisme européen. Mais les fils de ces immigrans se fondent dans la population et la richesse légitime tout dans un pays qui sort à peine des révolutions et des confiscations.

La quincaillerie et la bimbeloterie sont restées l’apanage des Allemands. Dans la mercerie et le commerce des étoffes, ils ont été éliminés par les Français ; malgré le bon marché de leurs produits, la mauvaise qualité et le manque de goût ont fini par leur nuire.

  1. Deux journaux sont publiés en français à Mexico et deux ou trois en anglais. Ces derniers servent d’organe aux intérêts de la colonie américaine. The Mexican financier a une valeur scientifique réelle.