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peuvent-elles être divisées comme suit : paix et ordre ; conservation des produits bienfaisans de la nature, et leur développement obligé, pour faire face à l’accroissement de la race humaine, accroissement qui doit résulter des progrès de la civilisation ? 3° l’institution de la propriété n’est-elle pas dominée par les susdites nécessités sociales qu’elle doit satisfaire, et doit-elle s’étendre sur chaque objet ? 4° l’autorité, qui fait partie de l’institution de la propriété aussi bien chez les individus que pour les nations, doit-elle se limiter aux droits sociaux qui invariablement lui font cortège ? Peut-on détruire sans nécessité, et tout ne doit-il pas tendre au bénéfice du plus grand nombre ? Ce qui est superflu à un individu ou à une nation ne doit-il pas être offert dans des conditions raisonnables à qui ne possède pas ? 5° en les lieux où une chose utile, — lisez les phoques, — n’est pas fournie par la nature en quantité suffisante pour subvenir au besoin de chacun et lorsque cette chose utile est menacée de disparaître, ne doit-elle pas être érigée en propriété ?

Ce n’est pas tout. Un appel a été fait aux plus éminens naturalistes de notre époque pour qu’ils donnassent leurs opinions sur la guerre qui est faite aux phoques. Ces opinions sont diverses, et ne pouvant les donner toutes, nous nous bornerons à citer les plus intéressantes.


II

Le savant professeur T.-H. Huxley, membre de la Société royale de Londres, est d’avis d’interdire la capture des phoques partout, excepté aux îles Pribylov, et d’en limiter la prise au taux que l’expérience aurait démontré ne pas être incompatible avec la conservation de l’espèce. Il termine sa consultation d’une façon inattendue : « L’humanité ne souffrira pas beaucoup, dit-il, si les femmes sont obligées de se passer de jaquettes en fourrure de phoque ; quant à la fraction de la population anglaise, canadienne et américaine, qui vit de l’industrie de la peau de phoque, elle ne saurait être plus à plaindre que le nombre infiniment plus considérable de gens qui ont, maintes et maintes fois, eu à souffrir des caprices de la mode. Certes, si les phoques doivent être une source continuelle de querelles entre deux nations, le plus tôt qu’ils disparaîtront sera le meilleur. »

Notre savant compatriote, M. le Dr Blanchard, secrétaire-général de la Société zoologique de France, est pour la conservation des animaux utiles : « Ce n’est pas, dit-il, sans une profonde tristesse que le naturaliste voit disparaître une foule d’espèces