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condition nécessaire pour prévenir l’extermination du phoque à fourrure. »


III

Le Callorhinus ursinus se reproduit dans les mers de Behring et d’Okhotsk. Entre toutes les îles de ces mers, il n’en est que cinq de très petite étendue où cet amphibie se plaise. Ce sont les îles du Commandant et le récif de Robben, appartenant à la Russie ; les îles Pribylov, propriété des États-Unis ; les Kouriles, possessions japonaises. Les îles Pribylov et du Commandant se trouvent dans la mer de Behring ; le récif de Robben est situé dans la mer d’Okhotsk, près de l’île de Saghalien, et les Kouriles s’étendent entre Yéso et le Kamtchatka. On ne connaît aucun autre point du globe où l’espèce se reproduise. Nous devons faire remarquer que, par suite de la grande extermination qui s’en est faite autrefois dans les possessions russes, cette espèce est devenue d’une grande rareté.

Les phoques des îles Lobos, de l’archipel Galapagos, de la Basse-Calédonie, en un mot, tous ceux des mers du Sud, sont d’une espèce différente de celle de leurs congénères du Nord. Ceux-là aussi, même ceux que le professeur Giglioli, de Florence, vit en si grande quantité sur la côte méridionale du Chili, ont presque disparu par suite d’une chasse sans merci ; l’avidité stupide de leurs persécuteurs a tari probablement là pour toujours une source de grande richesse, et fait disparaître une école de navigation très utile aux marines marchandes.

Lorsque les brouillards de l’hiver commencent à se former sur les eaux du Pacifique septentrional, quand les nuits deviennent sans fin, qu’une neige abondante tombe silencieusement sur les îles où les phoques ont passé leur été, ces amphibies émigrent en masse vers des régions plus tempérées. Ceux des possessions russes et des Kouriles se dirigent au sud en côtoyant les rivages japonais ; ceux des îles Pribylov, quittant la mer de Behring par les passes si nombreuses des îles Aléoutiennes, longent les côtes sud-est du continent américain. Le mélange des deux troupes émigrantes ne se fait jamais ; été comme hiver, des centaines de lieues marines les séparent.

Ces déplacemens, qui se renouvellent tous les ans, sont conformes à cette loi mystérieuse qui veut que tout animal émigrant suive une route dont rien, — sauf un plomb meurtrier ou un ennemi de son espèce, — ne le fait dévier à l’aller comme au retour. Son instinct lui dit que c’est dans les lieux qu’il a quittés à l’approche