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cent preuves. Cicéron, monsieur, in Verrem, proclame l’admirable fertilité de Tusculum, des collines d’Albano, de Civita-Lavinia. Strabon, dans sa Géographie ; Pline le naturaliste, dans son Histoire naturelle, vantent les fruits de Tibur. Tite-Live est prodigue d’éloges pour les terres situées le long du Tibre. Il n’y a pas jusqu’aux territoires de Corneto et de Gastro qui n’aient leurs bonnes pages dans les livres anciens. Vous voyez ! ce sont les barbares, les nazioni boreali, qui sont cause de tout. »

Le lendemain, je rencontrais un grand fermier de la campagne romaine, humaniste, lui aussi, qui répondait : « Les barbares ? Sans doute, ils ont détruit. Mais ils n’ont détruit que ce qui existait. Or les ruines qui nous restent, en petit nombre, sont des ruines de palais avec pavés de mosaïque et peintures murales. Où sont celles des maisons de paysans, de villages ? Nulle part. La campagne n’a jamais été colonisée comme le reste de l’Italie. On y venait au printemps, pour trois mois. Les patriciens et les affranchis n’y passaient pas l’été, croyez-moi, ni eux, ni personne autre que les esclaves. La fièvre y régnait. Ce n’est pas douteux. Combien trouve-t-on d’inscriptions votives à la déesse de la fièvre, à la fièvre sainte, à la grande fièvre (febri divœ, febri sanctœ, febri magnœ) ? Et combien de fois les Romains ne font-ils pas allusion à ces pestes qui désolaient l’Agro ? Les pestes n’étaient autre chose que la malaria, subitement aggravée par la chaleur de certains étés. Rien n’a donc changé, monsieur. Les traditions sont constantes, et le prouvent ! »

On devine que le premier était partisan des réformes agraires, et que le second ne l’était pas. Leurs citations anciennes servaient des intérêts prochains. Et je revins vite au présent, comme ils faisaient eux-mêmes, au fond de leur pensée.

Il ne suffit pas, en effet, de soigner les malades atteints de malaria. La médecine s’en occupe. Elle expérimente une foule de remèdes. En dehors de la quinine, le plus efficace de tous, accepté avec répugnance cependant et combattu en certaines régions par le préjugé populaire, elle essaie l’emploi de l’arsenic, conseille une nourriture fortifiante, suivant le dicton un peu ironique de la Toscane : La cura della malaria sta nella pentola, et recommande même d’anciennes médications de bonne femme, auxquelles elle reconnaît une efficacité remarquable, celle-ci, par exemple, dont la recette a une saveur profonde. Prenez un citron frais, coupez-le en tranches minces, en conservant l’écorce, et mettez-le à bouillir avec trois verres d’eau, dans une marmite de terre, mais une marmite qui n’ait jamais servi à aucun autre usage. Quand le liquide sera réduit des deux tiers, passez-le à travers un linge, pressez le résidu, et laissez refroidir une nuit entière. La science n’explique