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et de Maccarese, s’ils ont dévoré plus des 4 millions jugés suffisans et votés au début, ce sont là des surprises très communes quand on s’attaque à la terre et à l’eau. Les propriétaires, de leur côté, ont exécuté, au moins en grande partie, les travaux de la première catégorie, c’est-à-dire de canalisation, qui leur étaient imposés. Il leur reste à diviser et à drainer leurs champs, à combler, à niveler un nombre immense de mares et de petits marécages. Mais il est facile de prévoir qu’ils en viendront à bout dans un court délai, si l’administration se montre tenace.

Peut-on dire la même chose de la loi du 8 juillet 1883, plus importante encore, et qui ne tendait à rien moins qu’à transformer la culture et l’aspect de l’Agro ? L’ambition était grande. Dans les six mois, les propriétaires de tous les domaines situés dans un rayon de 10 kilomètres, à compter de la borne milliaire du Forum, — D’où le nom populaire de loi des 10 kilomètres, — devaient soumettre à une commission spéciale les améliorations qu’ils se proposaient de faire, déclarer la quantité de terrain qui serait désormais régulièrement cultivée, celle qu’ils planteraient en bois et en vignes, les routes et les fossés en projet, le plan des maisons, des granges ou des étables à construire.

Faute d’entente, ou faute d’exécution des travaux convenus, les terres seraient expropriées par l’État, moyennant une indemnité préalable, vendues aux enchères par fractions, et les nouveaux acquéreurs s’obligeraient à remplir les engagemens qu’avaient négligés les anciens.

L’émoi causé par la promulgation de la loi fut considérable. Les dispositions sévères que je viens de résumer n’intéressaient pas moins de cent dix-huit domaines, d’une contenance de plus de 20,000 hectares. Leur application devait entraîner une dépense de plus de 3 millions, à la charge des possesseurs du sol, soit en moyenne, d’après les calculs de la commission, 144 francs de frais par hectare, sur la rive droite du Tibre et 201 francs sur la rive gauche. Encore prétendait-on ces évaluations beaucoup trop faibles.

L’accueil ne pouvait être empressé. Il ne le fut pas. Au bout de six mois, deux propriétaires avaient refusé catégoriquement de s’entendre avec la commission ; vingt-cinq avaient accepté ses propositions ; la majorité n’avait rien répondu, ce qui est extrêmement italien. Mais l’administration aussi était italienne : elle prit son temps, elle en donna aux autres, elle n’alla pas brutalement jusqu’à épuiser ses droits, et une longue lutte s’établit entre elle qui voulait réformer, et les intéressés qui cherchaient, par tous les moyens, à maintenir l’ancien état de choses.

J’arrive tout de suite à la situation présente. Depuis 1883, qu’a-t-on