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de phylloxéras qui ne quittent jamais la place. Lorsque l’année est normalement humide, lorsque le terrain dont dispose l’arbuste est frais et riche, le jacquez répare incessamment ses pertes en émettant de nouvelles radicelles et prospère à merveille. Vient-on à le greffer dans les mêmes conditions, surtout avec les variétés françaises dites à « bois durs » (carignane, clairette, hybrides Bouschet, etc.), il s’affaiblit un peu, mais fournit toutefois de jolies récoltes. Enfin dans les sols pauvres, dans les années chaudes et sèches, le jacquez, surtout lorsque, au lieu de s’épanouir en liberté, il alimente une greffe productive, le jacquez souffre et jette peu de bois. Il est probable que, dans ces conditions, une sécheresse ininterrompue, se succédant durant plusieurs étés à la file, l’affaiblirait au point de le faire succomber. Heureusement que, même dans le sud-est, des circonstances aussi défavorables ne se rencontrent jamais ; du reste, avec des fumures intelligentes et des labours fréquens susceptibles d’attirer vers la surface la fraîcheur du sous-sol, on peut permettre au vignoble phylloxéré d’attendre des jours meilleurs qui arrivent tôt ou tard. En dehors des bords de la Méditerranée, le jacquez devient trop sensible au froid pour être cultivé franc de pied, mais l’humidité du climat lui permet de vivre en nourrissant un greffon sans jamais succomber au phylloxéra.

En somme, on peut poser en principe que tout cépage redoutant peu le calcaire offre une résistance pratique au phylloxéra suffisante lorsqu’il ne redoute pas plus l’insecte que le jacquez. MM. Viala et Ravaz ont essayé de traduire, par des chiffres analogues aux notes d’examen, l’immunité des vignes américaines pures ou hybridées. Ils ont attribué au jacquez la cote 13 qui, comme on le sait, correspond à la mention « assez bien[1]. »

Malheureusement, lorsqu’on plante des boutures de jacquez, ainsi que d’autres espèces, dans la mauvaise craie des Charentes, le jacquez succombe parfaitement, tout en restant le dernier debout, grâce à sa nature mixte. Il s’ensuit un résultat curieux… au seul point de vue théorique, par exemple. On apprécie souvent dans l’Ouest la constitution d’une terre à vignoble en exprimant qu’elle peut porter du jacquez, ou, dans le cas contraire, en indiquant l’âge auquel la malheureuse plante succombe, empoisonnée par le calcaire. De même à une autre extrémité de la France, les vignerons de l’Hérault qui, plus difficiles, tiennent absolument à planter du Riparia, qualifient fréquemment les médiocres terres

  1. Dans certaines années, lorsque l’envahissement du puceron s’exagère, quelques propriétaires prudens font sulfurer leur jacquez.