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d’État, — il a défendu le budget de l’armée, défendu les alliances menacées de bien loin, cependant, et fait du progrès de l’Italie ce tableau éloquent : « En Italie, depuis 1861, nous avons construit 11,264 kilomètres de chemin de fer, 2,450 kilomètres de tramways à vapeur, 30,000 kilomètres de routes ; l’État a dépensé plus de 200 millions en travaux maritimes extraordinaires et 65 millions en améliorations ; nous avons puissamment fortifié nos frontières autrefois ouvertes ; nous avons pourvu à l’armement des troupes ; nous avons entièrement créé une marine de guerre, qui est aujourd’hui la troisième du monde ; nous avons transformé nos grandes villes au point de vue hygiénique ; nous avons donné des bâtimens aux écoles, des casernes aux soldats, et commencé la réforme des prisons. Dans la même période de temps, sur le territoire actuel du royaume, la population s’est accrue de 5 millions d’habitans ; les écoles primaires, qui avaient moins de 1 million d’élèves, en ont aujourd’hui 2 millions et demi : le rendement des postes était de 12 millions, il est maintenant de 44 millions ; les bureaux télégraphiques étaient au nombre de 355, nous en avons à présent 4,500. Le commerce international, entrées et sorties, se chiffrait par 5 millions de lires, il s’est élevé à 14 millions ; le cabotage a passé de 8 millions à 33 millions de tonnes ; la consommation du charbon de terre de 446,000 à 4,350,000 tonnes. Le patrimoine des œuvres pies a augmenté de 800 millions ; les sociétés de secours mutuel, jadis au nombre de 440, sont devenues 5,000 ; les sociétés coopératives de production et de consommation, tout à fait inconnues en Italie, sont aujourd’hui 1,300 ; les dépôts d’épargne qui s’élevaient, en 1872, à 465 millions, s’élèvent aujourd’hui à 1,789 millions. »

Malgré tout, comme je restais sous l’impression de certains des argumens de M. Colombo, je m’en ouvris à mon ami le marquis B., dans le parc d’une de ses villas, aux environs de Bologne. Nous nous promenions sous les platanes et les ormes, qui font comme un îlot de verdure, au milieu de la plaine labourée, plate, où fuient des rangées basses de petits mûriers. Je revois encore cette brume dorée de l’extrême automne, mortelle aux choses, et qui verse sur la campagne un peu du grand silence des jours de neige. C’était si doux, et j’avais une si profonde joie de retrouver cet esprit de haute race, de l’interroger, pour écouter sa réponse toujours prompte, fine et raisonnée, que je parlai presque par hasard, et sans changer de ton, de mes souvenirs de Milan. Mais lui le prit autrement. À peine avais-je fait allusion à ces conseils de « recueillement » et de sagesse bourgeoise, qu’il parut secoué d’un frisson. Une flamme d’émotion vive passa dans son regard. « Vous y croyez ? me dit-il. Comment pouvez-vous ajouter toi à ces prophéties