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d’un privilège, mais d’un droit, le grand propriétaire tombait au rang de l’humble householder dont le loyer ne dépassait pas trente livres. Et les affaires de Galles ! n’était-ce pas abominable que les habitans de ce pays rêvassent de se défaire d’une religion qu’ils ne pratiquaient pas, pour s’en tenir simplement à la leur ? Ces gens refusaient de contribuer à l’entretien des ministres du culte anglican et il y avait, pour encourager ces tendances subversives, des députés qui allaient plus loin encore, qui inventaient la question agraire, parlaient couramment de l’intérêt ou de la possibilité qu’il y avait à favoriser l’achat des terres par les fermiers. Tout cela était si étrange, si funeste, qu’il englobait dans un mépris général les hommes, les journaux et les livres qui leurraient le peuple de telles sornettes. Et sa colère ne tarissait pas, trouvait encore des alimens dans des griefs de moindre importance. C’étaient la lente invasion des usages et des mœurs du continent, le repos du dimanche de moins en moins observé, la frivolité des habitudes françaises où s’abandonnaient les hautes classes, le tunnel sous la Manche, le pont enfin que des compagnies trop audacieuses songeaient à jeter entre les deux pays. Oui, il était temps que les sujets de la reine, demeurés fidèles à la monarchie et aux vieilles traditions britanniques, opposassent à cet envahissement la résistance que d’honnêtes gens se doivent d’opposer à la barbarie.

La barbarie ! Il n’y avait que la Grande-Bretagne qui fût capable d’en triompher. Personne n’ignorait à quel point elle s’entendait à civiliser. Au besoin, les nègres de l’Afrique auraient pu en témoigner. Rien assurément n’était plus glorieux et plus fécond en résultats incomparables que ces missions commerciales, politiques et évangéliques à la fois, qui parcouraient le continent noir du Niger à la côte orientale. Il en savait quelque chose, lui qui expédiait chaque mois des chargemens de cotonnades et de coutellerie, à destination des communautés africaines. Un de ses voisins, l’armurier de High-street, — son ami, non pas, — mais un homme bien pensant avec qui, une fois l’an, il daignait s’entretenir, aurait pu, lui aussi, certifier qu’il y avait moyen de s’entendre avec ces sauvages et de leur livrer des armes en cachette, pour lutter contre des Européens prétendument civilisateurs. N’était-ce pas une manière comme une autre d’agrandir le champ commercial de la nation ? Richard le voyait s’étendant encore ; il énumérait les peuplades primitives successivement englobées, attirées et comme fascinées par l’irrésistible rayonnement de la puissance britannique. Ce soir-là, son exaltation ne connut plus de bornes. Il montra l’Egypte conquise, la vieille terre des Pharaons à jamais asservie à une Angleterre partout victorieuse. L’univers