Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il s’exprimait, au cours d’une visite que j’eus la bonne chance de lui faire dans les montagnes de Schio, sur l’école de Vicence. Il a créé, il entretient beaucoup d’autres œuvres destinées à améliorer le sort de ses ouvriers. Aucune ne lui a coûté plus que celle-là, je ne dis pas seulement d’argent, mais d’efforts et de persévérance. Il n’entendait pas doter, en effet, une institution d’État, mais, fidèle à l’esprit décentralisateur et libéral qui anime tant de ses compatriotes, il voulait un établissement provincial, ayant une certaine autonomie, s’administrant lui-même ; il tenait à réserver au fondateur, à la province, à la commune, leur part très légitime d’influence et de direction, et à faire inscrire, dans la liste du personnel enseignant, le nom d’un aumônier, d’un direttore spirituale, comme ils disent là-bas. Après de nombreux pourparlers, il réussit. M. Rossi donnait près de 400,000 francs, le gouvernement, la province, la commune, s’engageaient à verser une somme annuelle, et les quatre puissances partageaient le pouvoir.

Il est dit, en effet, dans le décret qui reconnaît et organise l’école, que la junte de vigilance, ou conseil directif, sera composée du fondateur, M. Rossi, et d’un de ses délégués, d’un délégué du gouvernement, d’un délégué de la province et d’un délégué de la commune. Elle exerce de larges attributions, cette junte, elle administre l’école, vote le budget, délibère sur les modifications à apporter dans les programmes, nomme les professeurs et le directeur, sous réserve de l’approbation ministérielle, fixe les traitemens, et statue sur les cas disciplinaires. Le directeur reçoit 8,000 francs et le logement, les professeurs 4,000 francs. Les études, à la fois théoriques et pratiques, préparent des contremaîtres pour les usines de constructions mécaniques et les industries textiles, des mécaniciens pour les chemins de fer et la marine marchande. Après trois ans d’études, les élèves passent un examen de licence, et l’école s’occupe de les placer dans l’industrie italienne. Tout paraît bien entendu et bien réglé. Les bâtimens, que j’ai visités avec le directeur, M. Boccardo, fils de l’économiste connu, étaient d’une irréprochable propreté et abondamment aérés. On travaillait, dans les ateliers munis de machines dont plusieurs ont été construites sur place. Des jeunes gens, de quatorze à dix-sept ans, limaient, tournaient, foraient, menuisaient, et la discipline ressemblait à celle des régimens italiens, plus tolérante, plus paternelle que dans les pays du nord des Alpes.

L’école industrielle de Vicence est la plus prospère de la péninsule. Le nombre de ses élèves va sans cesse grandissant. Il était de 78 en 1889-1890, de 117 en 1890-1891, de 149 en 1891-1892, et de 160 au début de l’exercice 1892-1893. La seule institution du même genre qu’on puisse comparer avec elle est, comme je