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l’ai dit, l’école de Fermo. Il n’existe ailleurs que des écoles partielles, préparant à une seule profession, et d’une importance médiocre, par exemple l’école de plâtrerie de Doccia, près de Florence, l’école de dentelles de Rapullo, près de Gênes, et surtout celle de Murano, à Venise, où l’on sait que cette jolie industrie, si florissante autrefois, reprend vie et donne du pain à plusieurs centaines d’ouvrières.


En route. — J’ai souvent observé que les Italiens avaient moins de plaisir que nous à dire du mal de leur pays. C’est peut-être qu’ils en pensent un peu moins de bien. Quand on leur objecte un défaut grave, une infériorité certaine, ils glissent, ils avouent par leur simple silence. « Nous avons eu tant de peine à nous faire accepter comme une grande nation, me disait l’un d’eux, voulez-vous que nous allions nous diminuer nous-mêmes à vos yeux ? »

Deux voyageurs viennent de monter dans le wagon. L’un porte de la fourrure. L’autre n’en a jamais porté. Il a la mine efflanquée d’un homme qui court après la fortune, et doit appartenir aux provinces du Sud, dont il a le type maigre et ardent. Il ne s’est pas assis qu’il se plaint de la lenteur du train : « Mauvaise ligne ! Est-ce que cela marche ! Moi qui viens de France et d’Angleterre, j’ai été habitué à autre chose ! » Aussitôt, le voyageur qui lui fait face le prend de très haut avec lui : « Que dites-vous ? Ce train marche parfaitement. Nos lignes italiennes ne le cèdent en rien aux autres. Moi aussi, monsieur, je suis allé en France. Est-ce que les trains y sont rapides ? Paris-Lyon, peut-être, l’express du Nord, peut-être. Mais la moyenne, je vous défie de prouver qu’elle soit supérieure à la nôtre ! » Et, sans transition. « Il y a la plus complète sécurité à Rome et dans la campagne de Rome, monsieur ! Vous pouvez aller, venir, de jour, de nuit, sans danger. Puisque vous voyagez, affirmez donc la même chose de Paris ! »

Le Méridional s’est mis à regarder par la portière, et l’homme du Nord s’est tourné vers moi, pour me prendre à témoin de la rapidité du train. Je me suis plaint seulement des secousses produites par le mauvais état de la voie. Il a trouvé l’observation juste, et a continué la conversation. C’était un homme d’affaires, instruit des choses du présent et très assuré de l’avenir. J’ai craint qu’il ne fut également administrateur du réseau adriatique, et cela m’a gâté ses appréciations sur les chemins de fer. Mais j’ai goûté la façon dont il jugeait l’industrie italienne.

— Vous avez vu, me dit-il, l’affiche placardée dans nos gares, une femme aux fortes mamelles, qui porte une banderole avec cette inscription : Risorgimento industriale italiano ?

— Oui, monsieur.