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avec un admirable dévoûment, un service d’inspection, instituer le crédit agricole entre associés, des assurances mutuelles contre la mortalité du bétail. Il ne saurait être question de supprimer les intermédiaires, et des négocians tels que MM. Micaud-Tournier, Cusenier, rendent de grands services à cette industrie pastorale, mais il y en a d’autres qui abusent de l’ignorance, de la pauvreté de nos gérans, et peut-être pourrait-on en certains cas aborder directement le consommateur, établir dans les grandes villes des magasins où, réduisant les frais au minimum, le produit serait livré à des prix satisfaisans pour vendeurs et acheteurs. Go ahead and self help! Un Américain se trouve nanti ou plutôt fort empêtré d’un gros stock de jambons qu’un négociant parisien lui avait, après faillite, laissé pour compte. N’est-ce que cela ? Notre homme saute dans le premier paquebot en partance, arrive à Paris, avise une boutique vide rue Turbigo, la loue, embauche des garçons de magasin, une demoiselle de comptoir, placarde de superbes affiches multicolores, vend à perte le premier jour ; les cliens affluent, le second jour il augmente ses prix d’un sou par kilo, de deux sous les jours suivans ; au bout d’une semaine, il avait liquidé avec un bénéfice très raisonnable. Je contai la chose au président d’une fruitière qui allait à vau-l’eau faute d’acheteurs ; il partit pour Paris avec ses meules invendues, les réalisa sans trop de peine et apporta quelque argent à ses associés qui déjà se lamentaient et croyaient tout perdu.

Le territoire de la Haute-Saône renferme les terrains les plus variés : argileux, calcaires, siliceux, avec une foule d’intermédiaires ; de même l’échelle géologique, depuis la période primitive avec ses roches granitiques jusqu’aux alluvions modernes, s’y trouve représentée. Dans la partie montagneuse, Faucogney, Melisey, Champagney, la terre, très sablonneuse, soumise à un climat plus rigoureux, ne porte ni le blé, ni la vigne ; mais la pomme de terre, le seigle, l’avoine, le sarrasin y réussissent à merveille, et les prairies bien irriguées donnent un excellent foin ; par la pauvreté du sol en acide phosphorique, le bétail de cette région a l’ossature moins développée.

On applique en Haute-Saône l’assolement triennal : le territoire de chaque commune est divisé en trois parties, nommées pies ou soles : la pie des blés, la pie des avoines ou carêmes, la pie des jachères ou sombres ; dans cette dernière entrent les terres en jachère morte, les trèfles, les luzernes, les plantes sarclées, pommes de terre , betteraves , carottes, rutabagas, etc. Cet assolement[1] laisse à désirer sans doute, mais on aurait de la peine à

  1. A l’assolement triennal, M. Faucompré et M. Allard, deux savans professeurs