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Or cette augmentation, qui dans l’Allier, l’Aude, les Landes, dépasse 100 pour 100, tombe à 6 pour 100 en Meurthe-et-Moselle, à 3 pour 100 dans les Vosges. Peut-être est-ce ici le résultat de la guerre de 1870 et des craintes d’une guerre future ; sans doute aussi les contrées qui ont le plus gagné à la transformation des moyens de transport sont celles à qui les débouchés manquaient, et tel n’était point le cas de la plaine lorraine.

La terre n’a donc pas augmenté partout aux mêmes époques, ni dans la même proportion. Quelques exemples, pris au hasard, font toucher du doigt ces différences : le domaine de Coulanges (Cher), qui valait 128,000 francs en 1780, était vendu 269,000 fr. en 1814 et 300,000 francs en 1826 ; le domaine de Murs, dans le même département, passe de 36,000 francs en 1782, à 109,000 fr. en 1845, et à 460,000 francs en 1873. L’hectare de terre à Fontaine (Nord) est vendu 933 francs en 1763 et 3,300 francs en 1855. Dans le Nord également, l’hectare à Fiers coûte 2,700 francs en 1776, 4,100 francs en 1820, 7,500 francs en 1870. Le domaine de La Rochette, en Bourgogne, était loué 1,000 francs en 1787, 1,500 francs en 1847, 1,700 francs en 1878 et 2,200 francs en 1885. La terre patrimoniale des Jumilhac, dans le Périgord, vendue 192,000 francs en 1808, était revendue 300,000 francs au financier Ouvrard, en 1811, et atteignait, dans des mutations successives, le prix de 500,000 francs en 1828, et de 1 million en 1862.

Mais les domaines, qui tous contenaient en général une part plus ou moins grande de terres en friche, ne peuvent servir à comparer les prix réels des fonds en culture, aujourd’hui et en 1790 ; parce que, de l’augmentation dont ils ont profité, il faut déduire les dépenses de défrichement et d’amélioration diverses dont ils ont été l’objet. Ce sont les moyennes, tirées d’un grand nombre de prix et de revenus de terres en pleine exploitation, dès le règne de Louis XVI, qu’il faut mettre en regard des moyennes que nous fournissent les statistiques récentes. Pour l’ensemble de la France, le revenu de 26 francs l’hectare, en 1790, représente, en tenant compte du pouvoir double de l’argent, une somme de 52 francs actuelle, et équivaut par conséquent au revenu moyen de 50 francs que le propriétaire foncier retire aujourd’hui de ses biens.

Mais tandis que le revenu foncier n’est passé que de 27 francs intrinsèques à 32 francs en Champagne, de 38 francs à 46 francs dans le Comtat-Venaissin, de 27 francs à 42 francs en Saintonge et Angoumois, — ce qui, en raison de la baisse de la puissance d’achat des métaux précieux, revient à dire qu’il a baissé, dans ces trois provinces, de 68, de 65 et de 28 pour 100, — il a monté de 43 francs à 160 francs en Flandre, de 26 francs à 93 francs en