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sapota, Achras sapota, fruit savoureux, d’un arbre renommé pour les propriétés fébrifuges de son écorce ; la goyave, Psidium guyaca, aux larges baies succulentes, de la grosseur d’un œuf, à la chair sucrée, légèrement acidulée et parfumée ; le tamarin, Tamarindus indica, au port majestueux, au feuillage épais et du fruit duquel on fabrique une boisson des plus rafraîchissantes, et bien d’autres encore affluent sur les marchés américains. Ces fruits des tropiques y font aujourd’hui partie de l’alimentation générale, alors qu’en Europe la plupart sont encore inconnus ou se vendent à des prix excessifs, comme le chérimoya, dont on peut voir de rares échantillons aux vitrines de nos grands magasins de comestibles, au prix de 5 francs pièce, alors que, sur les lieux de production, ce fruit vaut quelques centimes. Il est vrai que le chérimoya est des plus délicats, que le moindre heurt le gâte et qu’on ne le peut importer qu’avec de grandes précautions, en le cueillant avant sa maturité et en l’enveloppant de coton.

De tous ces fruits, l’ananas, Bromelia ananas, est celui dont la culture et l’exportation occupent le premier rang aux Bahama. La variété dite « Providence, » largement cultivée dans l’île d’Eleuthéra, y donne des produits volumineux et précoces. La plante se multiplie d’elle-même, presque sans travail pour l’agriculteur, et le fruit, dont le poids varie entre trois et quatre livres, cueilli avant sa maturité complète, se transporte facilement et se conserve bien. Réputé, et avec raison, l’un des plus parfumés que l’on connaisse, l’ananas fut, pendant plus d’un siècle, l’un des plus rares et des plus coûteux en Europe. La première fois qu’il parut sur une table française, ce fut en 1733, à Versailles, sur celle de Louis XV. Au commencement de ce siècle, on payait jusqu’à 50 et 100 francs ce fruit qui, sur les lieux de production, vaut à peine quelques sous. Aujourd’hui, démocratisé, les marchands promènent, en certaines saisons, l’ananas dans les rues de nos grandes villes ; on le trouve, en tout temps, chez les marchands de comestibles et aussi, à l’état de conserves, chez tous les épiciers.

Nassau est devenu le centre de ce commerce d’exportation qui prend, avec les États-Unis, une grande extension. Une seule maison américaine de cette ville exporte annuellement un million de boîtes de conserves d’ananas ; elle expédie en outre, à destination des ports américains, quinze navires transportant en moyenne six millions d’ananas frais ; d’autres ont réalisé de gros profits sur les patates douces et les ignames. Partout, dans la mer des Antilles, l’or américain est venu stimuler la production de ces îles fortunées dont Christophe Colomb disait, dans une lettre adressée à Isabelle de Castille : « Ces terres dépassent en richesse et en