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flotté dans la tradition orale, avant que ne pût s’opérer cette infusion des idées juives dans la religion de l’Avesta.

On ne saurait nier d’ailleurs que la religion de l’Avesta ne contienne des élémens antérieurs à l’époque des rois parthes arsacides, et dont quelques-uns appartiennent au fonds commun des religions indo-européennes, remontant ainsi jusqu’à l’époque où les Hindous et les Iraniens ne s’étaient pas encore séparés et vivaient en commun sur les pentes de l’Airyanem Vaêjô. Les inscriptions cunéiformes achéménides nous ont appris à connaître le dieu suprême de Zoroastre et de l’Avesta, Ahura-Mazda, comme le grand dieu des anciens rois de Perse ; c’est déjà lui que Cyrus, Xerxès, Darius invoquent dans tous leurs discours, et c’est sa figure, coiffée d’une tiare et encadrée dans deux grandes ailes éployées, qui surmonte tous leurs bas-reliefs. Mais ses origines sont encore plus anciennes. Ce Dieu suprême de l’Avesta, « le Seigneur omniscient, » ancien dieu du ciel, analogue à Zeus et à Jupiter, trouve son parallèle dans le dieu suprême des Védas, dans Varuna, l’Asura Viçvavcdas, « l’Asura qui sait toutes choses. » Ahura et Asura sont un même mot et un même dieu. De même, Mithra, l’Apollon iranien, est identique au Mithra védique. La parenté des deux religions se poursuit dans les mythes qui mettent aux prises, des deux côtés, la lumière et les ténèbres, ainsi que dans les histoires des héros de la première humanité. On la retrouve enfin dans le feu sacré du foyer, Agni en Inde, Atar en Perse, et dans la liqueur sacrée du Haoma, identique, ainsi que nous l’avons dit, au Soma védique. On pourrait songer à expliquer cette ressemblance par des emprunts faits à une époque historique, par un échange d’idées, résultat de la propagande religieuse ; mais une religion aussi importante que celle des Perses n’adopte pas tout d’un bloc les principes qui en forment les élémens constitutifs. On conçoit que le culte de la déesse Anaïtis ait pu pénétrer à une certaine époque en Perse, nous pouvons même préciser la date de son introduction ; on comprendrait moins qu’Ahura Mazda, Mithra, le feu sacré et le Haoma fussent étrangers au fond même de la religion iranienne.

Ainsi donc, des élémens anciens englobés dans un cadre récent qui est l’Avesta des Sassanides, voilà la conclusion à laquelle on arrive de plus en plus. C’est aussi, en faisant la part des différences de temps et de milieux, la conclusion à laquelle conduit l’étude critique des livres qui composent l’Ancien-Testament. Seulement, dans la Bible, on peut encore discerner les élémens dont s’est formé le livre actuel, et remonter dans plus d’un cas à la source. Pour l’Avesta, tel que nous le possédons, ce travail n’est pas possible, suivant M. Darmesteter. Il n’est pas un des morceaux dont se compose ce